Les bombardements ont encore semé la mort vendredi à Alep, dans le nord de la Syrie, tuant 30 personnes, tandis qu'un accord russo-américain portant sur un arrêt des combats dans deux autres régions doit entrer en vigueur samedi.

Pour les habitants d'Alep, la trêve imposée le 27 février par Moscou et Washington au régime syrien et à la rébellion n'est plus qu'un lointain souvenir.

Plus de 230 civils ont péri en une semaine dans les bombardements sur la grande ville du nord, divisée depuis 2012 entre secteurs rebelles et gouvernementaux.

La destruction mercredi d'un hôpital situé en zone rebelle, qui a fait une trentaine de civils tués, a suscité une forte émotion, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon dénonçant un acte « inexcusable ».

« Les bombardements n'ont pas arrêté de la nuit, on n'a pas fermé l'oeil », a indiqué à l'AFP un habitant du quartier de Boustane al-Qasr, de nouveau pris pour cible vendredi par l'aviation du régime.

Selon des témoins, l'aviation du régime a largué des barils d'explosifs sur des quartiers résidentiels.

Près du quartier de Ferdous, les membres de la défense civile retiraient des corps ensanglantés, recouverts de poussière jaune, des gravats d'un bâtiment ayant été frappé.

Un correspondant de l'AFP a vu un homme porter sa fille blessée, âgée d'une dizaine d'années, dans une ambulance.

« Oh mon Dieu, s'il vous plaît, vite, que quelqu'un vienne conduire ce véhicule », criait-il.

Alors qu'un secouriste s'installait derrière le volant, la fillette gémissait : « Je vais mourir. Je vais mourir ».

Treize personnes ont péri vendredi dans les quartiers tenus par le régime et 17 côté rebelle, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Des dizaines de personnes ont été blessées.

« Point de rupture »

Une frappe de l'aviation du régime a également frappé une clinique dans la partie rebelle d'Alep, blessant plusieurs personnes, selon la défense civile.

Médecins du monde a fait état de son côté de la « destruction totale » d'une clinique qui n'aurait fait aucune victime. Il n'était pas clair néanmoins s'il s'agissait du même établissement.

Par peur de nouveaux bombardements, la prière du vendredi des musulmans a été suspendue dans les quartiers rebelles.

Et en ce Vendredi saint pour les orthodoxes, Nour Chmeilane, une chrétienne de 25 ans d'un quartier d'Alep-ouest, a renoncé à aller à la messe. « Nous avons mis nos affaires dans une seule valise et nous nous préparons à partir à tout moment », témoigne-t-elle.

Ces derniers bombardements surviennent au surlendemain de frappes contre l'hôpital al-Qods qui ont fait une trentaine de morts, dont un pédiatre, un dentiste et des enfants.

Le Haut Commissaire aux droits de l'Homme de l'ONU, Zeid Ra'ad Al Hussein, a fustigé un « mépris monstrueux pour les vies de civils par toutes les parties au conflit ».

Et dans une lettre publiée par l'organisation Crisis Action, des médecins d'Alep ont lancé un cri d'alarme : « Nos hôpitaux sont près du point de rupture (...) bientôt, il n'y aura plus de professionnels de santé à Alep ».

« Attaques aveugles »

Après l'appel qu'avait lancé jeudi l'émissaire de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, pour réactiver la trêve, Russes et Américains ont annoncé vendredi un accord a minima sur l'arrêt des hostilités sur deux fronts, mais pas à Alep. Le compromis porte sur le nord de Lattaquié, un fief du régime dans l'ouest syrien, et la Ghouta orientale, une région rebelle à l'est de Damas.

L'agence russe Ria Novosti a fait état de « l'introduction d'un processus de détente » dans ces régions « à partir de (vendredi) minuit ».

Michael Ratney, l'émissaire spécial américain pour la Syrie, a confirmé « un nouvel engagement de cessation des hostilités (...) samedi à 0 h 10 ». Mais « nous discutons avec la Russie pour arriver rapidement à un accord » sur Alep, a concédé le diplomate américain.

À Washington, le département d'État a rendu compte d'un nouvel appel téléphonique entre le secrétaire d'État John Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov au cours duquel ils ont parlé du « renforcement de la cessation des hostilités dans des régions de Syrie ».

Du côté de l'opposition syrienne, le Haut comité pour les négociations (HCN), l'instance chargée de représenter les principaux groupes de l'opposition aux négociations de paix avec le régime à Genève, a dénoncé dans une lettre à Ban Ki-moon « des attaques aveugles contre les civils » à Alep.

« Ce n'est pas le moment de parler de processus politique après les massacres horribles et les violations systématiques de la trêve », a condamné sur Twitter Riad Hijab, coordinateur du HCN.

Le dernier cycle de pourparlers indirects s'est tenu à Genève du 13 au 27 avril, sans avancée, le HCN quittant la ville suisse pour dénoncer les bombardements à Alep.

Washington appelle Moscou à freiner Assad

Les États-Unis, «scandalisés» après le bombardement par le régime syrien d'un hôpital à Alep mercredi, ont appelé jeudi la Russie à contenir le régime de son allié Bachar al-Assad.

Selon le secrétaire d'État américain John Kerry, cette tactique du régime syrien de viser délibérément des hôpitaux et personnels médicaux dans les zones tenues par les rebelles a déjà fait des centaines de morts.

Il a appelé Moscou à faire pression sur son allié Damas pour le pousser à respecter le cessez-le-feu entre le régime et les forces rebelles, mis en place par une résolution du Conseil de sécurité.

«Nous sommes scandalisés par les raids aériens sur l'hôpital Al-Quds à Alep, soutenu à la fois par Médecins sans frontières (MSF) et le Comité international de la Croix-Rouge, qui ont tué des dizaines de personnes, dont des enfants, des patients et du personnel médical», a indiqué M. Kerry dans un communiqué.

«Nous essayons toujours d'en savoir plus sur ces bombardements, mais il semble que ces raids visaient délibérément un bâtiment médical connu, et s'ajoute au bilan édifiant du régime Assad qui s'en est déjà pris à de telles installations et à des secouristes», a-t-il ajouté, précisant que ces frappes avaient tué «des centaines de Syriens innocents».

«La Russie a une responsabilité urgente pour faire pression sur le régime pour qu'il applique la résolution 2254 du Conseil de sécurité, notamment pour qu'il arrête de s'en prendre aux civils, aux bâtiments médicaux et aux secouristes, et qu'il respecte pleinement le cessez-le-feu», a-t-il encore demandé.

États-Unis et Russie coprésident le Groupe international de soutien à la Syrie, qui compte 17 pays et cherche à mettre fin à un conflit faisant rage depuis cinq ans en Syrie.

Un cessez-le-feu mis en place depuis deux mois est de plus en plus précaire et le régime Assad semble préparer un assaut sur Alep après une série de bombardements, dont certains, selon des responsables américains, ont été appuyés par des avions russes.

Les raids aériens meurtriers menés par le régime sur les quartiers rebelles et les bombardements des insurgés sur les quartiers gouvernementaux ont fait plus de 200 morts et des centaines de blessés en une semaine, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).