Vladimir Poutine a estimé que l'organisation d'élections législatives le mois prochain en Syrie n'interférait pas avec le processus destiné à mettre un terme au conflit, a indiqué vendredi le Kremlin après un entretien téléphonique du président russe avec ses homologues européens.

«La Russie a noté que la décision des autorités syriennes d'organiser des élections législatives en avril 2016 était conforme à la Constitution syrienne actuelle et ne gênait pas les mesures destinées à mettre en oeuvre le processus de paix», a indiqué le Kremlin dans un communiqué.

«Il a été noté avec satisfaction que le cessez-le-feu était respecté dans l'ensemble» en Syrie, poursuit le texte, publié après un entretien téléphonique entre M. Poutine et le président français François Hollande, le premier ministre britannique David Cameron, la chancelière allemande Angela Merkel et le chef du gouvernement italien Matteo Renzi.

Cet arrêt dans les combats «crée les conditions pour la mise en oeuvre du processus politique en Syrie à travers un dialogue intersyrien sous l'égide de l'ONU», a souligné le Kremlin.

Les dirigeants se sont également dits prêts à accroître leur aide humanitaire en Syrie, insistant sur la nécessité d'un «strict respect de la trêve par tous les belligérants» tout en continuant la lutte contre l'organisation État islamique et le Front al-Nosra, selon le Kremlin.

Le président François Hollande a pour sa part dénoncé vendredi comme «provocatrice» et «totalement irréaliste» l'idée d'organiser des élections très prochainement en Syrie, lors d'un point de presse conjoint avec la chancelière allemande Angela Merkel qu'il recevait à Paris.

L'agence officielle syrienne Sana a annoncé le 22 février que des élections législatives se tiendraient le 13 avril dans le pays où une trêve initiée par la Russie et les États-Unis est entrée en vigueur il y a une semaine.

Reprise des manifestations anti-régime

Des centaines de Syriens ont profité de la trêve, renouant pour la première fois depuis des années avec les manifestations anti-régime dans les zones rebelles sous le slogan «la révolution continue».

Agitant le drapeau tricolore noir blanc vert avec trois étoiles rouges, l'étendard du soulèvement en 2011, des défilés appelant à la chute du régime ont eu lieu dans des localités tenues par l'opposition dans les provinces d'Alep, de Damas, d'Homs, d'Idleb et de Deraa.

«Vous pouvez dire que nous sommes revenus au début», de la révolte, a affirmé à l'AFP Hassan Abou Nouh, un militant de la ville rebelle de Talbissé, dans le centre de la Syrie, joint par téléphone.

Tout avait commencé en Syrie en mars 2011 par des manifestations de dizaines de milliers de personnes chaque vendredi contre le régime. Elles avaient été réprimées brutalement puis le conflit s'était progressivement transformé en révolte armée à partir de 2013, et les manifestations avaient cessé en raison de la guerre civile.

La dernière manifestation à Talbissé avait eu lieu en juin 2012, selon Abou Nouh. En raison des bombardements et des raids aériens, les habitants n'osaient plus sortir pour défiler. Pour le premier vendredi depuis la trêve, les gens ont manifesté en Syrie portant des banderoles où était écrit: «La révolution continue».

«Les gens sont contents, certains pleuraient de joie, mais certains avaient une boule dans la gorge. Beaucoup de jeunes qui protestaient au début, étaient morts», a dit Abou Nouh.

À Alep, plus de deux cents personnes ont marché dans les rues des quartiers rebelles, a constaté un vidéaste de l'AFP.

«Avec la trêve, nous avons saisi l'opportunité d'exprimer pourquoi nous étions sortis au tout début (en 2011), pour réclamer la chute du régime», explique Abou Nadim, un militant local.

Pour lui, ceux qui étaient dans la rue voulaient aussi montrer aujourd'hui au monde que les manifestants à Alep et dans le reste du pays «ne sont pas des bandes armées, mais simplement des gens qui demandent la liberté et la chute du régime».

Abou Nadim est chargé d'élaborer les slogans et de les peindre. Pendant qu'il parlait à l'AFP, il était en train de dessiner sur une banderole «Longue vie à la Syrie, qu'Assad tombe».

Alep est divisé depuis l'été 2012 entre les forces gouvernementales dans les quartiers ouest et ceux de l'est aux mains des rebelles.

D'ailleurs, quand les manifestants sont passés à proximité près de ligne de front, ils ont entendu le claquement d'une balle d'un tireur embusqué dans la zone gouvernementale. Mais personne n'a été touché selon un correspondant de l'AFP.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), les manifestations se sont produites dans les villes rebelles d'Atareb et d'Azaz dans la province d'Alep, ainsi que dans la province d'Idleb (nord-ouest) et dans la province méridionale de Deraa.

Plus de 270 000 personnes sont mortes dans ce conflit et des millions d'autres ont été déplacées.

PHOTO MOHAMED AL-BAKOUR, AP

Agitant le drapeau tricolore noir blanc vert avec trois étoiles rouges, l'étendard du soulèvement en 2011, des défilés appelant à la chute du régime ont eu lieu dans des localités tenues par l'opposition dans les provinces d'Alep, de Damas, d'Homs, d'Idleb (ci-dessus, dans la ville de Ma'arrat al-Numan) et de Deraa.

Premiers raids aériens depuis le début de la trêve

Deux raids aériens ont frappé vendredi la zone rebelle à l'est de Damas, une première depuis le début de la trêve il y a une semaine, a affirmé l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

«Les deux raids ont visé les alentours de Douma et ont fait un mort, sans qu'il ne soit possible dans l'immédiat de savoir s'il s'agit d'un civil ou d'un rebelle. La nationalité des avions non plus n'est pas connue», a précisé cette organisation.

Le Comité de coordination de Douma, qui regroupe des militants de la ville, a indiqué dans un communiqué que les faubourgs de la ville ont été visés par trois raids d'avions présumés russes.

La ville de Douma, fief rebelle de la Ghouta orientale, une zone agricole à l'est de Damas, a été bombardée à de nombreuses reprises avant le cessez-le-feu.