Des raids aériens ont tué plus de 90 civils en deux jours dans l'est de la Syrie, pays où les États-Unis semblent aménager une base aérienne pour renforcer la lutte antidjihadiste alors que le début de négociations de paix à Genève approche.

Ces discussions indirectes entre régime syrien et opposition, sous l'égide des Nations unies, doivent théoriquement commencer lundi mais la composition de la délégation de l'opposition semble toujours faire débat. Leur coup d'envoi devrait être reporté de quelques jours, selon l'ONU.

Au lendemain d'un raid aérien qui a tué au moins 44 civils près de la ville de Deir Ezzor, ce secteur de l'est syrien a de nouveau été touché samedi par des raids meurtriers selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Au moins 47 civils, dont neuf enfants et deux femmes, ont péri dans le village de Khasham dans des frappes probablement menées par l'aviation russe, d'après cette organisation qui s'appuie sur un vaste réseau de sources à travers la Syrie.

Khasham se trouve à 20 km de la ville de Deir Ezzor où le groupe djihadiste État islamique (EI) a lancé il y a une semaine un assaut contre les derniers secteurs tenus par le régime, soit un peu moins de la moitié de cette ville de 200 000 habitants -chef-lieu d'une province riche en pétrole- et son aéroport.

Depuis, les combats entre djihadistes et forces prorégime, les raids de l'aviation syrienne ou russe et les exécutions de civils et de combattants prorégime par l'EI ont coûté la vie à près de 500 personnes. Le groupe djihadiste retient en outre prisonniers 130 civils de Deir Ezzor.

L'OSDH affirmait mercredi que plus d'un millier de civils avaient péri dans les raids russes depuis le début de l'intervention de Moscou en Syrie, fin septembre.

Soutien logistique 

Plus au nord de ce pays, dans un secteur sous contrôle des combattants kurdes, des forces américaines aménagent une base militaire aérienne dans le cadre de leur lutte contre l'EI, selon des sources militaires syriennes.

Washington a démenti toute prise de contrôle d'une base aérienne en Syrie mais affirmé chercher les moyens d'améliorer le soutien logistique à ses forces engagées dans ce pays.

Des forces spéciales américaines sont entrées en Syrie en novembre pour entraîner les combattants kurdes luttant contre l'EI, le premier déploiement officiel américain du genre dans ce pays.

«Depuis plus de trois mois, les Américains préparent l'installation d'une base militaire» à Rmeilane dans la province de Hassaké (nord-est), a indiqué à l'AFP une source militaire syrienne, précisant que des dizaines d'experts américains et de membres des forces kurdes participaient à ce projet.

Selon l'OSDH, cet aéroport n'a pas encore été utilisé par la coalition antidjihadistes conduite par Washington pour mener des frappes en Syrie.

Dans le sud du pays, douze personnes ont été tuées par des gardes-frontières jordaniens pour avoir tenté de traverser la frontière du royaume. Ces douze personnes ont été tuées lors d'un accrochage entre les gardes-frontières et un groupe de 36 personnes venues de Syrie, dont certaines portaient des armes, et qui tentaient de traverser la frontière jordanienne, a indiqué un responsable du commandement général des forces armées. Le royaume autorise seulement quotidiennement le passage de quelques dizaines de Syriens et impose un contrôle d'identité strict.

«Bonne volonté»

Le conflit en Syrie a par ailleurs été l'objet samedi d'une discussion téléphonique entre les chefs russe et américain de la diplomatie, Sergueï Lavrov et John Kerry. Selon Moscou, «une attention particulière a été portée à la nécessité de former une délégation véritablement représentative de l'opposition».

La Russie ne voit pas d'un bon oeil la nomination à la tête de la délégation de l'opposition syrienne de Mohamed Allouche, le chef du groupe rebelle islamiste prosaoudien Jaïch al-Islam, qualifié de «terroriste» par M. Lavrov.

Les prochaines négociations de paix intersyriennes ont également été évoquées par M. Kerry samedi en Arabie saoudite, farouche adversaire du régime syrien. À Riyad, le ministre américain s'est ainsi entretenu avec le coordinateur général de la coalition de l'opposition syrienne, Riyad Hijab.

«Nous sommes confiants qu'avec de la bonne volonté dans les prochains jours, ces discussions (à Genève) vont pouvoir commencer», a dit M. Kerry.

Il a par ailleurs annoncé que le groupe international de soutien à la Syrie composé de 17 pays -dont les États-Unis et la Russie, selon le processus dit de Vienne- se réunirait «immédiatement après la conclusion du premier cycle» de discussions «indirectes» à Genève entre régime et opposition.

À Riyad, John Kerry a de nouveau souligné les «divisions tranchées» au sein de la communauté internationale au sujet de l'avenir de Bachar al-Assad.

Selon lui, le président syrien est un «aimant qui attire (...) des djihadistes». Et ces derniers «continueront de venir (en Syrie) tant que lui (Assad) ou ses soutiens affirmeront qu'il fait partie de l'avenir», a-t-il jugé. «Ce n'est simplement pas possible.»

Plusieurs tentatives de règlement du conflit syrien, qui a fait plus de 260 000 morts et forcé des millions de personnes à quitter leur foyer depuis 2011, ont déjà échoué.