« Irréaliste » pour les uns, un pas dans le bon sens pour les autres : l'opposition syrienne apparaît sceptique et divisée au lendemain de l'adoption à Vienne d'une feuille de route pour une transition en Syrie qui achoppe toutefois sur le sort de Bachar al-Assad.

Les grandes puissances se sont entendues samedi sur un calendrier qui prévoit une rencontre d'ici au 1er janvier entre représentants de l'opposition syrienne et du régime, la formation d'un gouvernement de transition dans les six mois et l'organisation d'élections d'ici 18 mois.

De profondes divergences subsistent toutefois sur l'avenir du président Assad. L'Iran et la Russie, derniers soutiens du régime syrien, s'opposent en effet aux États-Unis et leurs alliés arabes et européens sur sa place dans une éventuelle transition politique en Syrie.

Mais pour Karim Bitar, directeur de recherches à l'Institut français de relations internationales, les divergences sur Assad « ne sont pas insurmontables » à condition qu'un « climat de confiance se crée ». « Un consensus raisonnable pourrait alors être trouvé », a-t-il dit.

Si la coalition de l'opposition syrienne, principale formation d'opposants en exil, n'a pas réagi officiellement à l'accord de Vienne, un de ses membres, Samir Nashar, l'a qualifié de « décevant et irréaliste ».

« Cadeau aux extrémistes »

Il est « irréaliste » selon lui car la situation actuelle en Syrie ne permet pas la tenu d'un scrutin. « La moitié de la population est déplacée, le pays est ravagé, les infrastructures sont détruites. Comment tenir des élections » dans ces conditions?, s'interroge-t-il.

Depuis 2011, la guerre a fait au moins 250 000 morts et des millions de réfugiés et de déplacés. Des pans entiers du territoire sont sous l'emprise de l'organisation extrémiste État islamique (EI).

Pour M. Nashar, la communauté internationale « offre un cadeau aux extrémistes en Syrie ». « Ceci ne mènera pas à un accord politique. C'est un cadeau pour Daech (acronyme en arabe de l'organisation État islamique) et l'extrémisme », a-t-il insisté, déplorant notamment que la réunion n'ait « pas tranché sur le rôle de Bachar ».

Selon lui, l'accord de Vienne était une « initiative de la Russie », alliée indéfectible du régime, qui intervient militairement en Syrie depuis le 30 septembre.

Un autre membre de la coalition de l'opposition, Anas al-Abda, s'est montré plus optimiste tout en regrettant que l'initiative ne soit « pas claire ».

« A priori, le cessez-le-feu est une chose positive, parce qu'il va alléger la souffrance des gens mais le plus important est comment le superviser ». Et l'accord ne règle pas « le point principal de discorde » qui « reste le sort de Bachar al-Assad », selon lui.

« Consolider ses positions »

Hassan Abdeladim, membre du Comité de coordination pour le changement national et démocratique (CCCND), de l'opposition intérieure, s'est déclaré « d'accord avec tout ce qui se passe à Vienne ». Les points de discorde pourront « être amendés selon les développements », a-t-il estimé en prévoyant que « la période de transition devrait prendre du temps ».

« La phase préliminaire porte sur des mesures qui devraient permettre d'établir la confiance et un cessez-le-feu, la libération des prisonniers, l'acheminement de l'aide vers toutes les régions et le retour des réfugiés et déplacés », selon lui.

Sur le terrain, Fares Buyuch, le commandant d'une brigade de rebelles, Fursan al-Haq, a jugé « déconnectées de la réalité » les décisions de Vienne.

Du même avis, Asaad Hanna, un porte-parole du groupe rebelle Division 101, s'est demandé comment serait-il possible d'imposer un cessez-le-feu à des forces « qui combattent à la fois l'EI et les forces du régime ».

Pour lui, « la rébellion se fait sur le terrain. Comment les décideurs sur le terrain pourraient être exclus des réunions?».

« Sur le terrain, cette feuille de route ne changera pas beaucoup la donne à court terme. Tant que les détails n'auront pas été discutés et que le calendrier demeurera flou, chaque camp va chercher d'abord à consolider ses positions », a estimé M. Bitar.

De son côté le régime est resté vague dimanche sur la réunion de Vienne. « La Syrie a toujours cru que le processus politique était nécessaire pour parvenir à une solution. Le processus politique devrait respecter la souveraineté nationale, et le choix du peuple de désigner ses dirigeants et son président », a déclaré le ministre syrien de l'Information Omrane Zohbi.