La stratégie occidentale pour tenter de résoudre le conflit syrien donnait samedi l'impression de patiner de plus en plus, face à la montée en puissance russe et au dernier fiasco du programme de rebelles syriens formés par le Pentagone.

En marge de l'Assemblée générale des Nations unies à New York, le secrétaire d'État américain John Kerry et ses homologues européens se sont tournés vers l'Iran, allié avec la Russie du régime de Damas.

À l'heure où Moscou semble marquer des points et où de nombreuses chancelleries commencent à envisager d'inclure le président syrien Bachar al-Assad dans la recherche d'une solution politique, l'Iran chiite reste incontournable par son soutien constant, politique et militaire, au chef de l'État syrien.

Et l'Assemblée générale de l'ONU toute cette semaine à New York pourrait, selon M. Kerry, être le lieu pour commencer à trouver une sortie de crise, après quatre ans et demi d'une guerre civile qui a fait plus de 240 000 morts et chassé des millions de Syriens.

«Je considère que cette semaine offre une occasion majeure à tous les pays pour jouer un rôle important afin de résoudre certains des problèmes aigus du Moyen-Orient», a déclaré samedi le chef de la diplomatie américaine, aux côtés du ministre des Affaires étrangères iranien, Mohammad Javad Zarif.

C'était la première fois que les deux hommes se revoyaient depuis l'accord historique de juillet sur le nucléaire iranien entre Téhéran et les grandes puissances.

«Il nous faut parvenir à la paix et trouver une issue sur la Syrie, le Yémen, dans la région elle-même, et je pense que cette semaine nous offre des chances, par le biais des discussions, pour progresser», a ajouté M. Kerry, qui devait rencontrer dimanche son homologue russe Sergueï Lavrov.

La chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini a vu aussi M. Zarif. Ils ont «discuté de la manière de contribuer à la fin» du conflit en Syrie, selon un communiqué des services de l'UE. Ils «se sont dits prêts à coopérer, dans le cadre des efforts menés par l'ONU» dont le médiateur, Staffan de Mistura, tente de relancer des négociations entre régime et opposition, sans succès pour l'instant.

Avant ses entretiens avec John Kerry, M. Zarif avait toutefois précisé que pour Téhéran les discussions cette semaine devraient porter prioritairement sur la mise en place de l'accord nucléaire.

Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius doit également rencontrer à New York M. Zarif.

Devant la presse, M. Fabius n'a pas posé le départ du président Assad comme préalable au lancement de pourparlers politiques sur la Syrie. «Cette négociation (en Syrie) ne peut pas avoir comme préalable que Bachar al-Assad sera l'éternel futur de la Syrie», a-t-il dit.

«Mais il faut qu'une négociation se noue».

John Kerry avait déjà dit le weekend dernier qu'il fallait lancer une négociation et que le calendrier d'un éventuel départ de M. Assad était négociable.

Rencontre Poutine-Obama lundi

Le président russe Vladimir Poutine, qui veut proposer de bâtir une coalition élargie comprenant l'armée d'Assad pour combattre le groupe extrémiste État islamique (EI), rencontrera lundi son homologue américain Barack Obama à New York.

En Syrie, Moscou a encore renforcé sa présence, en y dépêchant une quinzaine d'avions-cargos. Les Russes ont déjà envoyé des avions de combat, des systèmes de défense aérienne et des équipements militaires modernes, dont une partie cédée à l'armée syrienne.

Face à cette stratégie du Kremlin, Washington reste vent debout contre une remise en selle d'Assad et a consacré d'énormes moyens pour financer un ambitieux programme d'entraînement et d'armement de combattants syriens censés défaire l'EI.

Mais cette tactique, qui a déjà connu plusieurs accrocs, semble tourner au fiasco.

Le commandement des forces américaines au Moyen-Orient (Centcom) a admis vendredi que des insurgés formés par les États-Unis avaient remis «six pick-ups et une partie de leurs munitions à un intermédiaire soupçonné d'appartenir au Front al-Nosra (branche syrienne d'Al-Qaïda), soit à peu près 25% de leur équipement».

Le programme américain était censé former et équiper environ 5000 rebelles par an pendant trois ans mais n'a pour l'instant formé que deux groupes de 54 et 70 combattants. Quand le premier groupe a rejoint la Syrie en juillet, plusieurs de ses membres ont été kidnappés par Al-Nosra.

Ces déboires affaiblissent la position des États-Unis, qui ont fait par ailleurs savoir qu'ils accueilleraient favorablement une initiative russe pour renforcer la lutte contre l'ÉI.

Poutine s'entretient avec le roi d'Arabie saoudite

Le président russe Vladimir Poutine s'est entretenu samedi du règlement de la crise syrienne avec le roi Salmane d'Arabie saoudite, deux jours avant son intervention prévue à l'ONU, a annoncé le Kremlin.

L'entretien téléphonique a eu lieu « à l'initiative de la Russie », a précisé la présidence russe dans un communiqué. Les deux hommes ont évoqué « la recherche d'une solution à la situation en Syrie et la mise en place d'une coopération internationale efficace pour lutter contre l'État islamique », a précisé la même source.

Vladimir Poutine doit s'exprimer lundi devant l'Assemblée générale de l'ONU à New York.

Principal allié du régime de Damas, Moscou semble avoir repris l'initiative dans le conflit en Syrie, qui a fait plus 240 000 morts en quatre ans et demi. Les États-Unis s'inquiètent du renforcement de la présence militaire russe sur le terrain syrien.