Les quatre journalistes français enlevés en juin 2013 en Syrie ont été libérés samedi et ont pris en fin de soirée un avion pour la France, après dix mois de captivité dans le pays le plus dangereux du monde pour la presse.

Les quatre hommes étaient attendus dans la nuit sur une base militaire française, selon des sources concordantes.

Depuis le début de la guerre qui oppose le régime du président Bachar al-Assad aux rebelles ayant juré sa perte au printemps 2011, des dizaines de reporters syriens et étrangers ont été enlevés en Syrie.

La libération des otages français intervient après celle de plusieurs journalistes européens qui se trouvaient aux mains de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL), le plus radical des groupes jihadistes en Syrie.

Mais de nombreux journalistes, dont les Américains Austin Tice, disparu depuis août 2012, et James Foley, disparu depuis novembre 2012 et qui a collaboré avec l'AFP, sont toujours otages.

C'est le président français François Hollande qui, dans une déclaration à l'AFP, a annoncé la libération des quatre reporters, Edouard Elias, Didier François, Nicolas Hénin et Pierre Torrès, otages depuis juin 2013.

Les quatre hommes sont «en bonne santé en dépit des conditions très éprouvantes de leur captivité», a ajouté le président, exprimant «un immense soulagement».

«C'est un bonheur de pouvoir voir le ciel, de marcher et de parler librement», a réagi Didier François, l'un des quatre hommes libérés, auprès de l'agence de presse turque Dogan. «Nous venons tout juste d'arriver de Syrie», a-t-il ajouté, affichant un grand sourire et portant une longue barbe.

Sur son compte Facebook, Nicolas Hénin, 37 ans, a écrit un «LIBRES!!!!». «Un immense merci à tous. Très ému de vos messages. Impatient de vous revoir. Je suis fou de joie de retrouver ma famille si géniale...», ajoute-t-il.

Les quatre journalistes ont pris un avion militaire français spécialement affrété depuis la ville de Gaziantep (sud-est de la Turquie) vers 23h heure locale, selon les agences de presse turques IHA et Cihan.

Auparavant, ils ont été conduits par la route par les autorités turques à Gaziantep depuis la petite ville frontalière d'Akçakale, près de laquelle ils avaient été trouvés par une patrouille militaire turque, ligotés, barbus et portant les cheveux longs, selon ces sources.

Sur les images diffusées dans la soirée par les agences turques, on voit en revanche les quatre hommes rasés et habillés proprement.

L'avion militaire qui a quitté la Turquie vers 20h devait très vraisemblablement se poser dans la nuit sur la base militaire d'Évreux, à une centaine de kilomètres à l'ouest de Paris, selon des sources concordantes.

Les quatre hommes devaient ensuite gagner par hélicoptère la base de Villacoublay, au sud de Paris, où ils étaient attendus aux alentours de 08h30-09h00 heure locale. Le président Hollande devait les y accueillir avec leurs familles.

Ligotés et yeux bandés

Selon l'agence Dogan, les otages ont été abandonnés par des inconnus dans la nuit de vendredi à samedi dans le no man's land de la frontière séparant la Turquie et la Syrie, près d'Akçakale, selon l'agence.

Sur les images diffusées par les chaînes de télévision turques, les quatre journalistes paraissent en bonne santé.

Didier François, grand reporter à la radio Europe 1, et le photographe Édouard Elias avaient été enlevés au nord d'Alep le 6 juin 2013.

Nicolas Hénin, reporter à l'hebdomadaire français Le Point, et Pierre Torrès, photographe indépendant, avaient été enlevés le 22 juin à Raqqa.

Dans une interview à la chaîne de télévision France 24, Nicolas Hénin a relaté s'être évadé trois jours après son enlèvement et avoir été repris par ses ravisseurs au bout d'une nuit de fuite.

Selon plusieurs sources, les quatre journalistes étaient ensemble, au moins dans la phase finale de leur captivité, aux mains des mêmes ravisseurs.

«Depuis quelque temps, on avait des nouvelles régulières toutes les trois semaines sur le fait qu'ils étaient détenus ensemble, pas isolés, et qu'ils n'avaient pas subi de trop mauvais traitements», a déclaré Fabien Namias, directeur général d'Europe 1.

Fin mars, Javier Espinosa et Ricardo Garcia Vilanova, deux journalistes espagnols enlevés par l'EIIL, un groupe armé lié à Al-Qaïda, avaient été libérés après six mois de captivité.

Un journaliste du quotidien catalan El Periodico, Marc Marginedas, enlevé lui aussi par l'EIIL le 4 septembre, avait été libéré le 2 mars.

Selon l'association Reporters sans Frontières (RSF), neuf journalistes étrangers et plus d'une vingtaine d'acteurs syriens de l'information sont toujours otages ou portés disparus en Syrie.

Une évasion ratée trois jours après l'enlèvement

Nicolas Hénin a déclaré samedi s'être évadé trois jours après son enlèvement le 22 juin et avoir été repris par ses ravisseurs au bout d'une nuit de fuite.

«Le principal risque, je l'ai surtout pris trois jours après mon enlèvement, parce que je me suis évadé, que j'ai passé une nuit en liberté à courir dans la campagne syrienne avant de me faire rattraper par mes ravisseurs», a-t-il raconté dans une interview diffusée samedi soir par la chaîne de télévision France 24.

Lui et les trois autres journalistes, Didier François, Édouard Elias et Pierre Torrès, ont été relâchés dans la nuit de vendredi à samedi par leurs ravisseurs.

«En tout, je suis passé par une dizaine de lieux de captivité (...). La plupart du temps, avec d'autres personnes, notamment Pierre Torrès qui m'a rejoint assez vite. Cela a été une longue errance de lieux de détention en lieux de détention», a poursuivi le reporter du magazine Le Point.

«Épuisé, vraiment fatigué (...) et surtout rempli d'une immense joie», Nicolas Hénin a désigné ses ravisseurs comme «un groupe qui se réclamait d'un mouvement djihadiste».

«D'habitude, on n'était pas très bien nourris, et des gardiens sont venus dans notre cellule, nous ont apporté un repas au-dessus de l'ordinaire, et puis nous ont demandé si on voulait manger davantage, ce qui n'arrivait d'habitude jamais», a-t-il raconté en parlant de ses dernières heures de détention.

«Là, on s'est dit: 'Il y a quelque chose'.. Et en effet, on n'a pas eu le temps de toucher à cette nourriture, puisqu'on est venu nous voir dans la minute suivante en nous disant 'Allez hop, on part à la frontière'«, a-t-il poursuivi.