Le Parlement syrien a voté une nouvelle loi électorale en vue de la présidentielle qui empêche de facto l'opposition en exil de se présenter face au président Bachar al-Assad, à la veille du 3e anniversaire de la guerre en Syrie.

M. Assad, confronté à une rébellion qui veut sa chute, n'a pas encore officiellement annoncé son intention de briguer un troisième mandat, mais il a affirmé en janvier à l'AFP qu'il y avait de «fortes chances» qu'il le fasse.

Aucune date n'a été annoncée pour le scrutin, mais les électeurs doivent être convoqués entre 60 et 90 jours avant la fin du mandat de M. Assad le 17 juillet.

L'élection se tiendra dans un pays saigné à blanc par la guerre et rongé par une crise humanitaire inouïe. Jusque-là, aucun des protagonistes ne semble avoir les moyens de l'emporter même si les troupes du régime sont passées à l'offensive et gagnent du terrain.

Jeudi, le Parlement a approuvé les clauses de la nouvelle loi électorale. Théoriquement, le scrutin sera ouvert, pour la première fois depuis des décennies, à plusieurs candidats, en vertu de la nouvelle Constitution adoptée en 2012.

Mais si ce texte constitutionnel établit le «pluralisme politique» en abolissant la suprématie du parti Baas au pouvoir depuis un demi-siècle, les clauses adoptées par les députés empêchent de fait les figures de l'opposition en exil de se présenter.

Chaque candidat doit en effet «avoir vécu en Syrie pendant une période de 10 ans de manière continue au moment de présenter sa candidature et ne doit pas avoir une nationalité autre que syrienne», stipule le texte.

Or la Coalition de l'opposition, considérée comme l'interlocuteur privilégié par l'Occident, est installée à Istanbul.

Torpiller les négociations

La Syrie n'est pas à son premier scrutin en pleine guerre. Le régime avait organisé en mai 2012 des législatives boycottées par l'opposition et remportées par ses partisans, et à l'époque M. Assad avait affirmé que les élections avaient montré le soutien des Syriens à son régime face aux «terroristes», en allusion aux rebelles.

Une élection présidentielle excluant de fait l'opposition sonnerait le glas des négociations de paix, a prévenu jeudi le médiateur international Lakhdar Brahimi.

«S'il y a une élection, je soupçonne que l'opposition, toute l'opposition, ne sera probablement pas intéressée pour discuter avec le gouvernement», a-t-il dit à New York.

Le départ de M. Assad est la principale revendication de l'opposition. Deux séries de négociations entre opposition et régime en janvier et février à Genève sous l'égide de M. Brahimi n'avaient permis aucun résultat.

Porté au pouvoir en 2000 après la mort de son père, M. Assad a été reconduit en 2007. Il a mené une brève ouverture avant que son régime ne se ferme de nouveau, jusqu'à l'éclatement d'une contestation populaire pacifique le 15 mars 2011 qui s'est transformée en guerre civile après la violente répression du pouvoir.

Auschwitz

En trois ans, plus de 140 000 personnes sont mortes et la situation humanitaire est de plus en plus dramatique avec neuf millions de personnes contraintes à la fuite, soit la plus large population de déplacés au monde selon l'ONU. De plus, au moins un million d'enfants sont privés d'aide humanitaire selon l'UNICEF.

«Il est inacceptable qu'une catastrophe humanitaire de cette ampleur puisse avoir lieu sous nos yeux sans la moindre indication d'un quelconque progrès pour arrêter ce bain de sang», a dit le patron du Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), Antonio Guterres.

L'ex-procureur de l'ONU, David Crane, a lui évoqué le camp de concentration d'Auschwitz en parlant de la Syrie où au moins «11 000 personnes ont été torturées, affamées jusqu'à la mort, puis exécutées dans des centres et des lieux de détention du régime» selon un récent rapport co-écrit avec deux autres ex-procureurs internationaux.

Mais sur le terrain, les combats continuent de faire rage à travers la Syrie notamment à Yabroud, bastion rebelle près de Damas que l'armée appuyée par le puissant Hezbollah libanais tente de prendre, alors que des affrontements ont lieu sur les fronts d'Alep et d'Idlib.

Enfin, le ministre syrien des Affaires étrangères Walid Mouallem, 73 ans, a été hospitalisé d'urgence à Beyrouth pour obstruction des artères.