Quinze jours après un premier échec, une deuxième session de négociations à Genève entre l'opposition et le gouvernement syriens n'a permis aucune avancée, l'avenir de ces pourparlers étant désormais en question.

Le médiateur de l'ONU, Lakhdar Brahimi, s'est dit «tout à fait désolé» et s'est excusé «auprès du peuple syrien dont les espoirs étaient si grands».

Il a mis fin samedi aux discussions, dans l'impasse depuis trois semaines, et n'a fixé aucune date pour une reprise.

«Je pense qu'il est préférable que chaque partie rentre et réfléchisse à ses responsabilités, et (dise) si elle veut que ce processus continu ou non», a déclaré M. Brahimi à la presse.

Il était prévu que ce deuxième cycle de discussions, commencé lundi dernier, s'achève samedi, mais le médiateur en accord avec les deux délégations devait fixer une date pour une nouvelle réunion.

Depuis le début des négociations en janvier à Genève entre régime et opposition sous l'égide de l'ONU, pas moins de 6.000 personnes ont été tuées, a annoncé samedi l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Le conflit en Syrie a fait plus de 140 000 morts depuis près de trois ans, selon l'ONG qui affirme que le bilan est en réalité bien supérieur, mais difficile à établir en raison du black-out imposé par les deux bords.

«L'impossibilité de s'entendre sur le programme des prochaines sessions de négociations (...) représente un sérieux revers» et «la responsabilité en incombe directement au régime d'Assad», a estimé le chef de la diplomatie britannique Willam Hague, soulignant «son plein soutien à Lakhdar Brahimi». Même sentiment pour son homologue français Laurent Fabius qui «condamne l'attitude du régime syrien qui a bloqué toute avancée».

Après le refus d'appliquer l'ordre du jour par la délégation du gouvernement syrien, M. Brahimi a choisi de renvoyer tout le monde sans date de retour pour donner à chacun un temps de réflexion.

La dernière réunion à Genève entre l'opposition et le régime avait également échoué avec toutefois une avancée notable puisque pour la première fois les ennemis s'étaient parlé.

Cette fois, aucun progrès n'a été enregistré après des discussions particulièrement difficiles.

«Une perte de temps»

Rendant compte de l'ultime rencontre, le médiateur a expliqué que les deux parties avaient campé sur leur position.

«Le gouvernement considère que la question la plus importante est le terrorisme, l'opposition considère que la question la plus importante est l'autorité gouvernementale de transition», a-t-il dit ajoutant qu'il avait proposé d'évoquer d'abord «la violence et le terrorisme» pour passer ensuite au problème de «l'autorité gouvernementale».

«Malheureusement le gouvernement a refusé, provoquant chez l'opposition le soupçon qu'ils ne veulent absolument pas parler de l'autorité gouvernementale de transition», a ajouté le médiateur.

«J'espère que les deux parties vont réfléchir un peu mieux et reviendront pour appliquer le communiqué de Genève», adopté en juin 2012 par les grandes puissances comme plan de règlement politique de ce conflit qui dure depuis près de trois ans.

«J'espère que ce temps de réflexion conduira en particulier le gouvernement à rassurer l'autre partie (sur le fait) que quand ils parlent d'appliquer le communiqué de Genève ils comprennent que l'autorité gouvernementale transitoire doit exercer les pleins pouvoirs exécutifs. Bien sûr combattre la violence est indispensable», a ajouté M. Brahimi.

L'exercice des «pleins pouvoirs exécutifs» reviendrait à priver le président Bachar al-Assad de ses pouvoirs, même si cela n'est pas écrit explicitement dans le communiqué, d'où le blocage de Damas sur ce point.

Un troisième round de discussions avec le gouvernement syrien sans parler de transition politique serait «une perte de temps», a estimé le porte-parole de la délégation de l'opposition, M. Louai Safi.

«Le régime n'est pas sérieux (...) nous ne sommes pas ici pour négocier le communiqué de Genève, mais pour l'appliquer», a-t-il ajouté à propos du plan de règlement politique en Syrie adopté par les grandes puissances en 2012.

Obama frustré

«Nous devons être sûrs que le régime veut une solution politique et pas des tactiques pour gagner du temps», a encore affirmé M. Safi à propos de ces négociations sous médiation de l'ONU entamées le 22 janvier sous la pression de la communauté internationale, en particulier les parrains russe et américain de la Conférence.

Côté gouvernemental, le chef des négociateurs, l'ambassadeur syrien auprès de l'ONU Bachar Al-Jafari, s'en est tenu à accuser l'opposition «de ne pas respecter l'agenda», affirmant qu'il fallait d'abord conclure «par une vision commune» sur le premier point, la lutte contre la violence et le terrorisme avant de passer à un autre.

M. Brahimi a indiqué qu'il allait rendre compte à New York au Secrétaire général Ban Ki-moon et qu'il espérait une réunion avec lui et les deux chefs de la diplomatie russe et américaine Sergei Lavrov et John Kerry.

Le président Barak Obama a exprimé vendredi sa frustration et annoncé sa volonté d'accroître la pression sur le régime syrien.

Plus de 140 000 morts

Le conflit en Syrie a fait plus de 140 000 morts depuis près de trois ans, a rapporté samedi une ONG syrienne qui s'appuie sur un large réseau de sources médicales et de militants à travers le pays.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), basé en Grande-Bretagne, au moins 140 041 personnes, dont 49 951 civils parmi lesquels 7626 enfants et 5064 femmes ont été tués dans ce conflit opposant régime et rebelles mais devenu de plus en plus complexe avec des combats également entre rebelles et jihadistes en majorité étrangers.

Dans les rangs de l'opposition au président à Bachar al-Assad, 24 167 combattants rebelles ont été tués, auxquels s'ajoutent 8972 jihadistes du Front al-Nosra et de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL).

Du côté des forces du régime, 54 199 soldats et membres de milices gouvernementales sont morts, ainsi que 275 membres du Hezbollah chiite libanais et 360 membres d'autres groupes chiites étrangers pro-régime.

Le bilan inclut également 2837 victimes non identifiées par l'ONG.

L'OSDH affirme que le bilan réel est en réalité supérieur, mais qu'en raison du black-out imposé par les deux bords, elle n'a pas été en mesure de le documenter.

Le soulèvement au départ pacifique qui a démarré contre le régime s'est militarisé au fil des mois face à une répression féroce, jusqu'à se transformer en une complexe guerre civile.

Depuis le début des négociations en janvier entre régime et opposition à Genève sous l'égide de l'ONU, dont le deuxième round s'est achevé samedi sur un échec, pas moins de 6000 personnes ont été tuées, constate encore l'OSDH.

L'armée a marqué des points ces derniers mois en s'emparant de bastions rebelles notamment à l'est d'Alep, dans la province de Damas et dans la région montagneuse de Qalamoun frontalière du Liban et située sur la route stratégique reliant Damas à Homs (centre).

Dans cette région, le régime, appuyée par des combattants du Hezbollah, bombardait samedi pour le quatrième jour consécutif la ville de Yabroud, un des principaux bastions des insurgés et notamment du Front Al-Nosra, la branche d'Al-Qaïda en Syrie et alliée des rebelles islamistes.

Objectif Yabroud

«Le régime bombarde Yabroud et ses environs pour couper les renforts des rebelles et resserrer l'étau autour de la ville en vue de l'offensive terrestre», a indiqué à l'AFP le directeur de l'OSDH Rami Abdel Rahmane.

Des militants et l'OSDH s'attendent à une opération d'envergure de l'armée contre ce fief rebelle.

Selon l'ONG, le Hezbollah veut absolument chasser les rebelles de Yabroud, le parti soutenant que les voitures piégées qui ont explosé ces derniers mois dans ses bastions au Liban étaient en provenance de cette ville.

Yabroud est proche de la frontière avec le Liban et notamment de la localité libanaise d'Aarsal qui soutient l'opposition syrienne. L'aviation syrienne bombarde régulièrement la frontière et même les environs d'Aarsal, accusant les rebelles de s'y infiltrer.

Vendredi, le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) a annoncé que plus de 2.700 habitants de Qalamoun avaient fui les raids aériens et les combats pour Aarsal.

Par ailleurs, l'agence de l'ONU pour l'aide aux réfugiés palestiniens, l'Unrwa, a réclamé samedi d'avoir de nouveau accès au camp palestinien de Yarmouk à Damas, contrôlé par les rebelles, une semaine après la suspension des opérations de distribution d'aide.

«Nous n'avons pas pu distribuer de nourriture à Yarmouk depuis plus d'une semaine, ce qui risque d'entraîner un désastre pour les civils assiégés là-bas, coincés par le conflit et dépendant désespérément de l'aide de l'Unrwa», a averti un porte-parole.

Sur un autre plan, et après l'évacuation difficile de 1400 civils des quartiers assiégés à Homs (centre) ces derniers jours, le Comité international de la Croix-Rouge a rappelé qu'il ne participerait pas à des évacuations non volontaires.

Dans cette troisième ville du pays, environ 2000 personnes sont encore assiégées dans les quartiers rebelles selon l'ONU, tandis que les autorités n'ont pas précisé si les opérations d'aides ou d'évacuation, qui ont eu lieu ces derniers jours, allaient se poursuivre.