Au moins 11 420 enfants ont été tués en Syrie depuis 30 mois.

Certains sont morts dans la rue, abattus par des tireurs d'élite. La plupart ont perdu la vie chez eux, dans l'explosion d'une bombe larguée d'un avion de chasse ou tirée d'un lance-roquettes.

«Chaque mort d'enfant est une tragédie», explique en entrevue Hana Salama, coauteure du rapport intitulé Stolen Futures : The Hidden Toll of Child Casualties in Syria, diffusé dimanche par l'Oxford Research Group, organisation située à Londres. «Ces enfants ont un nom, une famille. Nous avons fait cette compilation pour qu'ils ne soient pas oubliés.»

Des 11 420 enfants tués qu'ont répertoriés Mme Salama et son équipe, 7557 , ou 71 % ont été assassinés par des «armes explosives», catégorie qui inclut les missiles tirés des avions et les tirs d'artillerie, régulièrement utilisés contre des quartiers résidentiels en Syrie.

Les armes de poing sont responsables de 2806 morts d'enfants. Cela inclut 764 enfants tués par exécution et 389 enfants abattus par des tireurs d'élite. Plus de 100 enfants trouvés morts portaient des marques de torture.

Un décompte minutieux

Le bilan des morts chez les enfants est fort probablement plus élevé, mais l'équipe de l'Oxford Research Group n'a recensé que les morts dont on connaît l'identité. Pour y arriver, les chercheurs ont travaillé avec des organisations de la société civile syrienne, qui tiennent un décompte minutieux des enfants morts, malgré la situation dangereuse qui prévaut toujours au pays.

«Ces gens vont de porte en porte pour recueillir les renseignements. Ils prennent les noms, l'âge, les numéros de carte d'identité nationale. Ils vont aux funérailles et scrutent les photos et les vidéos prises par les citoyens. On pourrait croire que le brouillard de la guerre empêche ce travail, mais non: des gens dévoués le font toujours, à la mémoire des enfants disparus», indique Mme Salama.

Pour réaliser leur étude, première recension majeure des victimes en Syrie, la chercheuse et son équipe n'ont pas cherché à savoir qui, des rebelles syriens ou des troupes loyales au dictateur Bachar al-Assad, étaient responsables des morts.

«Les gens sur le terrain vont dire: C'est un bombardement du régime qui a tué mon enfant. Peut-être que c'est vrai, mais affirmer une telle chose dans un rapport demande un niveau de preuves élevé, et ce n'était pas notre mission», dit Mme Salama en entrevue téléphonique.

Le rapport note également que les garçons de 13 à 17 ans comptent pour la majorité des enfants tués dans les attentats ciblés. Deux fois plus de garçons que de filles sont morts en Syrie depuis le début des hostilités, il y a bientôt trois ans.

Le rapport note également qu'au moins 128 enfants ont été tués à l'arme chimique à Ghouta, dans l'est de Damas, le 21 août 2013. Plus de 1400 personnes sont mortes dans cette attaque, pire attaque à l'arme chimique depuis plus d'un quart de siècle.

«Le conflit en Syrie a eu des effets catastrophiques sur les enfants du pays, note le rapport. En plus de voler leur avenir, la guerre a blessé les enfants, a dégradé leur santé mentale et a coupé leurs racines, et a fait de plusieurs des orphelins.»

Le bien-être des enfants devrait être au coeur des préoccupations des forces en présence en Syrie, dit Mme Salama. «Nous avons le devoir de protéger les enfants, et cette obligation n'est pas honorée en Syrie.»