Les inspecteurs internationaux chargés de lancer l'opération de démantèlement des armes chimiques syriennes sont arrivés mardi à Damas pour entamer une opération historique, consistant à se débarrasser en plein conflit d'un stock interdit estimé à un millier de tonnes.

Le 20 inspecteurs de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), chargés de faire appliquer une résolution de l'ONU encadrant la destruction de l'arsenal chimique syrien, sont arrivés à Damas dans un convoi d'une vingtaine de véhicules tout-terrain blancs en provenance du Liban.

Leur mission, aboutissement d'un bras de fer inédit depuis la guerre froide entre les Etats-Unis et la Russie, est l'une des opérations de désarmement les plus ambitieuses et les plus dangereuses jamais tentées.

La destruction d'un arsenal chimique a déjà été entrepris en Irak et en Libye mais jamais en pleine guerre. Or la Syrie s'enfonce chaque jour un peu plus dans un conflit complexe qui a fait plus de 115 000 morts, en majorité des combattants, en deux ans et demi.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), qui s'appuie sur un large réseau de militants et de médecins à travers la Syrie, les violences ont fait notamment 47 206 morts parmi les combattants loyaux au régime du président Bachar al-Assad et 23 707 du côté des rebelles.

Parmi les fidèles du président Assad tués, figurent entre autres 174 membres du Hezbollah chiite libanais, qui combat au côté du régime.

Mardi, au moins 20 combattants rebelles, dont des jihadistes du Front al-Nosra, ont été tués dans un bombardement des forces du régime visant à ouvrir un axe de ravitaillement militaire entre le centre et Alep (nord), selon l'OSDH.

Selon des experts en désarmement, la Syrie possède plus de 1000 tonnes d'armes chimiques, dont 300 tonnes de gaz moutarde et du sarin, répartis sur environ 45 sites.

Le président Assad a affirmé à une chaîne italienne qu'il se conformerait à la résolution de l'ONU, adoptée vendredi et qui constitue une percée diplomatique majeure depuis le début du conflit en mars 2011.

Les inspecteurs de l'OIAC arrivent au lendemain du départ des experts de l'ONU qui ont enquêté sur sept cas où le régime ou l'opposition ont dénoncé des attaques chimiques, près de Damas et dans le nord de la Syrie. Ils doivent remettre leur rapport fin octobre.

«On ne peut parler avec des groupes liés à Al-Qaïda»

Ces experts ont déjà établi que du gaz sarin avait été utilisé à une grande échelle lors d'une attaque près de Damas le 21 août qui a provoqué l'indignation à travers le monde et poussé plusieurs pays, Etats-Unis en tête, à envisager une action militaire punitive.

Dans le cadre d'un accord russo-américain permettant d'éviter ces frappes et qui impose le désarmement chimique du pays d'ici mi-2014, les autorités syriennes ont fourni le 19 septembre une liste des sites de production et de stockage des armes chimiques, qui doivent être inspectés dans les 30 jours.

«Pour le moment, nous n'avons aucune raison de douter des informations fournies par le régime syrien», a déclaré un responsable de l'OIAC.

Interrogé par la chaîne italienne Rai News 24 sur la résolution de l'ONU, M. Assad a  assuré: «Bien sûr, nous allons la respecter».

Cette résolution appelle aussi à la tenue «le plus tôt possible» d'une conférence internationale à Genève pour amorcer une solution politique, mais son format reste encore à définir.

La liste des participants syriens pose question. Le chef de l'opposition Ahmad Jarba a dit samedi que la Coalition nationale syrienne était disposée à envoyer une délégation.

Mais pour M. Assad, «on ne peut pas parler avec des organisations liées à Al-Qaïda (ni) négocier avec des gens qui demandent une intervention militaire en Syrie», en allusion à la Coalition.

Selon la Russie, le régime syrien pourrait en revanche entamer des négociations avec les éléments modérés de l'opposition armée.

Rebelles et opposition réclament en outre le départ du président syrien en condition à la tenue de la conférence.

«Le peuple tout entier demande que Bachar al-Assad soit président, quoi qu'en disent l'opposition, les Américains et les traîtres», a rétorqué mardi devant des journalistes le ministre syrien de l'Information, Omrane al-Zohbi.

Pour le ministre, c'est à M. Assad de décider s'il souhaite se représenter à l'expiration de son mandat en 2014.

Par ailleurs, alors que deux millions de Syriens ont été contraints à l'exil, 17 pays ont accepté d'ouvrir leurs frontières à des réfugiés de ce pays, a annoncé à Genève Antonio Guterres, Haut-commissaire aux réfugiés des Nations unies. Selon lui, ces pays pourraient accueillir plus de 10 000 réfugiés en quête d'un nouvel avenir.