Sur le front diplomatique, la question syrienne s'est dénouée hier, en partie du moins, alors qu'une entente est intervenue à l'ONU afin d'encadrer la destruction de l'arsenal chimique du régime de Bachar al-Assad. Mais sur le terrain, la situation est toujours aussi dramatique pour la population, éprouvée par deux ans et demi de guerre civile. Armes chimiques ou pas, les ONG font face à un redoutable défi. La Presse a interviewé à ce sujet le chef des opérations du Croissant-Rouge syrien, de passage au Canada pour une réunion internationale.

Un défi immense

«Nous faisons face actuellement à de grands défis. Il y a maintenant plus de 5 millions de personnes qui ont besoin de notre aide, et nous n'arrivons pas à combler tous les besoins», affirme Khaled Erksoussi, chef des opérations du Croissant-Rouge syrien. Selon lui, son organisme arrive à peine à aider 40% des Syriens dans le besoin. L'organisme compte sur le travail de ses bénévoles, mais plusieurs d'entre eux ont quitté le pays en raison du conflit. C'est sans compter les 22 bénévoles qui ont été tués en portant secours à la population et les 17 autres qui sont détenus par l'une ou l'autre des parties engagées dans le conflit. «Mais heureusement, nous accueillons toujours de nouveaux bénévoles, nous invitons les gens à ne pas rester les bras croisés et à se joindre à nous. Nous essayons de les protéger du mieux que nous pouvons. C'est notre rôle, apporter un peu de dignité à cette guerre», dit-il.

Des zones trop dangereuses

Un attentat à la voiture piégée en Syrie a fait 30 morts hier. Impossible cependant pour le Croissant-Rouge d'apporter son aide sur le terrain. La ville de Rankous, située à 30 km au nord de Damas, est dans une zone jugée trop dangereuse. Khaled Erksoussi affirme néanmoins que son organisme arrive à se rendre dans la majorité des zones touchées par le conflit. «Mais malheureusement, je dois le reconnaître, il y a encore des endroits où c'est trop dangereux.» Lui-même s'est rendu plus d'une fois sur le terrain. «Je ne suis pas Superman, je ne suis pas à l'épreuve des balles», dit-il. C'est pourquoi le Croissant-Rouge continue ses discussions avec la communauté internationale pour qu'elle poursuive ses pressions afin que le travail de ses bénévoles puisse se faire en toute sécurité.

L'hiver syrien

L'hiver s'en vient, et le défi sera immense pour le Croissant-Rouge. Plusieurs ONG s'inquiètent d'ailleurs des impacts de la saison froide sur une population déjà durement éprouvée. «C'est une des raisons pour lesquelles nous sommes venus au Canada, pour chercher des conseils à ce sujet, souligne M. Erksoussi. C'est le genre d'expertise que nous n'avons pas en Syrie.» Le défi est d'autant plus grand que le Croissant-Rouge affirme ne pas recevoir assez de nourriture et de matériel pour répondre aux besoins de la population. «Nos différents partenaires nous disent qu'ils ne reçoivent pas suffisamment d'argent pour nous donner tout ce dont nous avons besoin.»

Une «énorme victoire»

Une entente est intervenue hier afin d'assurer l'adoption d'une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU destinée à encadrer le démantèlement de l'arsenal chimique de la Syrie. Cette entente a été qualifiée «d'énorme victoire» par le président des États-Unis, Barack Obama. Au cours des deux dernières années, la Russie et la Chine ont opposé à trois reprises leur veto à des projets de résolution du Conseil de sécurité au sujet de la Syrie. En principe, l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques devrait se mettre au travail dès la semaine prochaine. Jusqu'à présent, la guerre civile en Syrie a fait plus de 100 000 morts et forcé plus de 2 millions de personnes à quitter le pays. «Nous espérons qu'après deux ans et demi, on arrivera à trouver une solution à ce conflit, affirme Khaled Erksoussi. Beaucoup de gens sont morts et beaucoup d'autres ont dû fuir. On devrait arrêter de faire la guerre et s'asseoir pour trouver une solution.»

Le Croissant-Rouge syrien en bref

> Fondé en 1942, le Croissant-Rouge syrien est membre de la Croix-Rouge internationale.

> En plus de ses 200 employés, l'organisme compte actuellement sur le travail de 3000 bénévoles sur le terrain.

> Le Croissant-Rouge offre un service d'ambulance 24 heures sur 24 dans plusieurs régions de la Syrie.

> Il offre des soins médicaux dans les zones où ces services ne sont pas disponibles.

> Il distribue aussi chaque mois nourriture et médicaments à plus de 2,1 millions de personnes.