Les cinq puissances du Conseil de sécurité de l'ONU se sont séparées mardi soir sans progrès sur une résolution contraignante pour Damas, après avoir étalé leurs divergences sur la question de la responsabilité du régime dans l'emploi d'armes chimiques.

Les États-Unis ont fustigé la Russie pour «nager à contre-courant de l'opinion publique internationale et (...) des faits» à propos des responsables de l'attaque chimique du 21 août près de Damas. La porte-parole du département d'État Jennifer Psaki a fait écho à des déclarations de la diplomatie française.

Washington et Paris sont convaincus de la culpabilité de Damas dans ce massacre chimique, Moscou montre du doigt la rébellion syrienne.

Américains et Russes ont scellé samedi à Genève un accord de démantèlement de l'arsenal chimique syrien, mais leurs désaccords se cristallisent déjà sur d'éventuelles représailles contre Damas en cas de non respect de ses obligations.

Les trois alliés français, américain et britannique veulent faire planer la menace d'un recours à la force en dernier ressort dans une résolution de l'ONU «forte et contraignante», mais la Russie s'y oppose. Les ambassadeurs des cinq membres permanents du Conseil de sécurité - États-Unis, France, Russie, Chine, Royaume-Uni - se sont d'ailleurs réunis mardi sans faire de progrès, dans une «ambiance constructive», selon un diplomate, autour d'un projet français de résolution.

Le chef de la diplomatie française Laurent Fabius s'entretient mercredi avec son homologue espagnol, José Manuel Garcia Margallo, de la crise syrienne, avant d'être auditionné au Sénat et à l'Assemblée nationale, tandis que de nouvelles consultations sont prévues.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a exhorté les cinq puissances à «faire preuve d'unité» et il doit rencontrer la semaine prochaine à New York leurs cinq ambassadeurs.

Indéfectible alliée du régime syrien, la Russie a assuré poursuivre ses efforts diplomatiques. Elle a dépêché à Damas un vice-ministre des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov qui a rencontré mardi soir le chef de la diplomatie syrienne, Walid Mouallem.

Dans le camp d'en face, l'opposition syrienne a donné de la voix en demandant au Conseil de sécurité d'interdire au régime syrien d'utiliser l'aviation, les missiles, l'artillerie et les armes chimiques dans une résolution sous le «Chapitre VII», la fameuse partie de la charte des Nations unies qui prévoit des sanctions jusqu'au recours à la force.

Car aux yeux du chef de la Coalition nationale syrienne Ahmad Jarba, la fin des «tueries des Syriens ne peut se faire qu'en stoppant la machine de guerre du régime».

La France et la Russie ont aussi fait le constat de leurs grands désaccords.

M. Fabius a affirmé à Mocou devant son homologue Sergueï Lavrov que le rapport publié lundi par l'ONU ne laissait «aucun doute sur la responsabilité du régime de Damas». Son hôte a rétorqué avoir «les raisons les plus sérieuses de penser que c'était une provocation» des rebelles syriens.

M. Lavrov revient tout juste de Genève où il a scellé samedi avec son homologue John Kerry un accord sur la destruction à la mi-2014 de l'arsenal chimique syrien.

D'après Washington, ce règlement de Genève fait référence à une résolution de l'ONU sous le Chapitre VII et le département d'Etat a plaidé pour «des mécanismes d'exécution les plus forts possibles» dans ce texte onusien en gestation.

Porte ouverte à une «discussion»

Mais il n'en est pas question pour M. Lavrov pour qui «la résolution qui devra approuver la décision de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques ne sera pas sous chapitre VII».

«Nous l'avons dit clairement à Genève, et il n'y a rien de tel dans le document que nous avons adopté «, a-t-il ajouté, contredisant les affirmations de John Kerry. Ce n'est que dans un deuxième temps, si l'une ou l'autre des parties enfreint les engagements pris, que le Conseil de sécurité pourra envisager une action, a souligné M. Lavrov, en allusion à une éventuelle seconde résolution.

M. Fabius a laissé la porte ouverte à une «discussion» à ce sujet. «Qu'il y ait une résolution au Conseil de sécurité, M. Lavrov n'en disconvient pas. Après, quels sont les termes de cette résolution, il faut en discuter», a-t-il dit.

Présentant lundi le rapport des inspecteurs de l'ONU sur l'attaque chimique du 21 août, qui a fait près de 1500 morts selon Washington, Ban Ki-moon a décrit un document dont «la lecture donne le frisson».

Il a parlé d'un «crime de guerre», mais n'a pas désigné explicitement les autorités syriennes. Le rapport de l'ONU dresse toutefois des «preuves flagrantes et convaincantes» sur le recours au gaz sarin.

«Quand vous regardez en détail les preuves présentées (lundi par les inspecteurs de l'ONU), il est inconcevable que quelqu'un d'autre que le régime aient pu utiliser (des armes chimiques)», a affirmé mardi Barack Obama dans un entretien avec Telemundo.

Paris a par ailleurs annoncé une réunion internationale fin septembre à New York avec l'opposition syrienne, qui refuse l'accord de Genève qui écarte toute perspective de frappes.

Entre-temps, la situation en Syrie ne cesse d'empirer, selon l'ONU.

Ainsi, près de sept millions de Syriens «ont besoin d'une aide humanitaire d'urgence», a affirmé mardi Valerie Amos, coordinatrice des opérations humanitaires de l'ONU, lors d'une conférence à Koweït, soulignant qu'il était fallait 4,4 milliards de dollars à cet effet cette année.