Saisir et détruire le stock d'armes chimiques en Syrie est plus facile à dire qu'à faire. Voici un aperçu des défis que devra relever la communauté internationale - si cette dernière arrive à trouver une entente sur la proposition de désarmement.

La Syrie reconnaît qu'elle possède l'arme chimique

Un premier pas a été franchi, hier: le régime syrien a, pour la première fois, directement reconnu posséder des stocks d'armes chimiques. Walid Moallem, ministre syrien des Affaires étrangères, a signalé qu'il entendait ratifier la Convention sur l'interdiction des armes chimiques (CIAC), un document qui ouvrirait les portes du pays aux inspecteurs internationaux. Or, le doute persiste: le régime de Damas va-t-il, du jour au lendemain, lever le voile sur la totalité de ses plus grands secrets? Surtout que l'Occident dit savoir que les armes chimiques syriennes se trouvent en plusieurs endroits au pays, et qu'elles peuvent être déplacées facilement.

La tâche complexe de la destruction

Il y a quelques décennies, on disposait des stocks d'armes chimiques en les balançant dans l'océan. Inutile de dire que cette méthode n'est plus au goût du jour: aujourd'hui, détruire les armes chimiques est une entreprise complexe, coûteuse et qui connaît son lot de ratés. Un récent rapport français montre que le régime de Damas possède sans doute plus de 1000 tonnes d'armes chimiques, dont du gaz moutarde, du gaz sarin et du gaz vx. Détruire un tel arsenal nécessiterait la construction de nombreuses usines spécialisées en Syrie, ravagée par une guerre qui ne donne aucun signe de ralentissement.

Main dans la main avec Assad

Pour que la communauté internationale puisse détruire le stock d'armes chimiques syriennes, elle devrait compter sur la coopération complète et durable de Bachar al-Assad. Or, si l'on se fie aux dernières années, la parole d'Assad ne vaut pas grand-chose. En 2011, il a garanti aux citoyens le droit de manifester dans la paix... pour ensuite accélérer sa campagne de répression et d'emprisonnement. Puis, en 2012, il s'était engagé auprès de Kofi Annan à cesser de déployer ses troupes et d'utiliser les armes lourdes dans les grands centres urbains du pays. Cette fois, la menace des frappes américaines changera-t-elle la donne?

Les inspecteurs pourront-ils faire leur travail?

La guerre civile syrienne fait rage depuis près de trois ans, et a déjà fait plus de 100 000 morts et détruit ou endommagé le tiers des habitations du pays. Dans ce contexte, des inspecteurs de l'ONU pourraient-ils avoir accès aux sites de stockage de ces armes dangereuses sans craindre pour leur peau? La question est loin d'être théorique: le mois dernier, un convoi routier transportant des inspecteurs de l'ONU en zone contrôlée par l'armée syrienne a reçu des tirs de tireurs d'élite, et a dû rebrousser chemin.

Qui va payer?

Toutes ces étapes ont un point en commun: elles nécessitent du temps, et des investissements considérables. Le magazine Foreign Policy a rapporté récemment que l'effort des États-Unis pour détruire leur propre stock d'armes chimiques, entrepris dans les années 90, se poursuivrait au moins jusqu'en 2023 et coûtera plus de 10,6 milliards de dollars. Damas possède une quantité inférieure d'armes, mais la question des coûts demeure... et risque de poser un défi difficile à résoudre pour la communauté internationale.

Les armes chimiques dans le monde

La Convention sur l'interdiction des armes chimiques est entrée en vigueur en avril 1997. À ce jour, 188 États l'ont ratifiée. L'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) est chargée de la mise en oeuvre du traité. Le traité oblige les États signataires à ne pas fabriquer, acquérir, stocker, transférer ou utiliser des armes chimiques. Les pays peuvent cependant conserver de «petites quantités » d'agents chimiques à des fins de recherche. En cas de non-respect du traité, la Cour internationale de justice peut être appelée à trancher le différend entre les pays membres. En dernier recours, l'OIAC peut aussi faire appel au Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies.

PHOTO NASA

Tous les stocks d'armes chimiques dans le monde devaient être détruits au plus tard en 2007. Mais plusieurs pays ont demandé des délais supplémentaires. C'est le cas des États-Unis qui devaient en principe avoir éliminé leurs armes chimiques à la fin d'avril 2012. Selon le CDC, sur les 30 500 tonnes d'armes chimiques déclarées en 1997, 2700 tonnes doivent toujours être détruites. Ci-dessus le dépôt d'armes chimiques de Pueblo, au Colorado. 

Chaque État membre a la responsabilité de faire appliquer la Convention sur les armes chimiques sur son territoire. Les pays membres doivent désigner une «autorité nationale» chargée entre autres d'accompagner l'OIAC au moment des inspections sur le terrain. À ce jour, 182 «autorités nationales » ont été créées. Depuis l'entrée en vigueur du traité, 5167 inspections ont été menées auprès de 86 pays.

Sources : Organisation pour le traité des armes chimiques, Center for Disease Control (CDC).

-Avec Éric-Pierre Champagne