Barack Obama a salué lundi soir la proposition russe de placer l'arsenal chimique syrien sous contrôle international, éloignant la perspective de frappes contre le régime de Damas accusé d'une attaque chimique qui a fait des centaines de morts.

«Cela pourrait constituer une percée importante», a lancé le président américain sur la chaîne NBC, à l'issue d'une journée riche en coups de théâtre qui suscitait des interrogations sur la ligne directrice de l'administration américaine sur ce dossier.

Confronté à une opinion publique hostile à une intervention militaire en Syrie - six Américains sur dix y sont opposés, selon un sondage publié lundi -, Barack Obama joue à la fois la crédibilité des États-Unis et de sa propre présidence sur ce dossier épineux.

Après une rafale d'interviews avec les grandes chaînes de télévisions américaines, il devrait s'adresser mardi soir à la nation depuis le cadre solennel de la Maison-Blanche.

Reconnaissant qu'il était dans une situation difficile face au Congrès à qui il a demandé un feu vert pour une opération militaire, Barack Obama a estimé que les dernières avancées étaient le résultat direct des menaces de frappes américaines.

Considéré comme l'un des plus importants du monde, l'arsenal chimique syrien est estimé à «plus de 1000 tonnes» par les services de renseignement français. Sa neutralisation, si elle était actée, pourrait s'avérer extrêmement délicate sur le terrain, en plein milieu d'une guerre civile qui a déjà fait plus de 100 000 morts.

Interrogé par ABC sur la possibilité d'une «pause» dans le cheminement vers des frappes, au cas où les armes chimiques seraient sécurisées, M. Obama a répondu «tout à fait, si cela se produit».

S'exprimant depuis la Maison Blanche, l'ancienne secrétaire d'État Hillary Clinton, a aussi salué un développement positif mais a appelé, comme M. Obama, à ne pas relâcher la pression sur le régime de Damas, mettant en garde contre «une nouvelle excuse pour un délai ou une obstruction».

La France a estimé que la proposition russe méritait «un examen précis», le chef de la diplomatie Laurent Fabius, réclamant «des engagements précis, rapides et vérifiables» de la part de Damas. La chancelière allemande Angela Merkel a pour sa part jugé la proposition «intéressante».

Assurant que Damas était toujours prêt à des négociations de paix, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov avait créé la surprise un peu plus tôt en annonçant avoir proposé aux Syriens de placer leur stock d'armes chimiques sous contrôle international et de le détruire.

La Syrie a immédiatement «accueilli favorablement» cette proposition, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Walid Mouallem, tout en se gardant d'être plus explicite sur le fond.

«Si vous n'êtes pas prudents, vous en paierez le prix»

Dans la foulée, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a appelé à la création de zones supervisées par les Nations unies en Syrie où les armes chimiques du pays pourraient être détruites.

«J'étudie la possibilité de demander de manière urgente au Conseil de sécurité d'exiger le transfert immédiat des stocks d'armes et de précurseurs chimiques dans des zones en Syrie où ils pourraient être entreposés en sûreté et détruits», a-t-il précisé, jugeant indispensable de surmonter «l'embarrassante paralysie» du Conseil sur le dossier syrien.

Quelques heures avant l'annonce de M. Lavrov, le chef de la diplomatie américaine John Kerry avait évoqué, lors d'une conférence de presse à Londres, l'hypothèse selon laquelle Bachar al-Assad pourrait «restituer l'intégralité de son arsenal chimique à la communauté internationale». Son porte-parole avait cependant pris soin de préciser peu après que cette remarque purement «rhétorique» ne constituait pas une offre de négociation faite à Damas.

Lundi matin, Bachar al-Assad avait lancé une mise en garde à Washington lors d'un entretien télévisé diffusé par la chaîne américaine CBS.

Soulignant que la situation pourrait devenir imprévisible dans une région «perpétuellement au bord de l'explosion», il a longuement insisté sur les conséquences imprévisibles d'éventuelles frappes sur son pays.

«Le gouvernement (syrien) n'est pas le seul acteur dans la région. Il y a différentes parties, différentes factions, différentes idéologies», a-t-il ajouté: «Si vous n'êtes pas prudents, vous en paierez le prix».

«Je ne suis pas devin, je ne peux pas vous dire ce qui va arriver», a-t-il ajouté, sans exclure l'emploi d'armes chimiques «si les rebelles, ou des terroristes dans la région, ou tout autre groupe, en possèdent».

Il a ajouté qu'une attaque américaine reviendrait à mener «une guerre qui va aboutir à soutenir Al-Qaïda et les gens qui ont tué des Américains le 11-Septembre» lors de l'attentat contre le World Trade Center.

Au Sénat, un premier vote de procédure, initialement prévu mercredi, a été reporté en raison des discussions en cours sur la proposition russe et devant la réticence croissante des élus. Aucun nouveau calendrier n'a été fixé à ce stade. «Je ne dirais pas que je suis confiant» sur l'issue du vote, a concédé lundi le président américain.

Mardi, le pétrole poursuivait son repli en Asie après la proposition russe. Le baril de «light sweet crude» (WTI) pour livraison en octobre, qui avait grimpé vendredi à son plus haut en deux ans, plongeait de 90 cents, à 108,62 dollars.

La Syrie ne produit que quelques dizaines de milliers de barils de brut par jour mais les marchés craignent qu'une intervention militaire ne déstabilise l'ensemble du Moyen-Orient, qui représente 35% des exportations pétrolières mondiales.