La Russie a pris l'initiative lundi sur le dossier syrien en suggérant de placer l'arsenal chimique de Damas sous contrôle international, une proposition accueillie plutôt favorablement par Washington qui pourrait - si elle se concrétise - éloigner la perspective de frappes contre le régime Assad.

L'annonce de cette initiative de Moscou intervient le jour de la rentrée des parlementaires américains qui devraient se prononcer, d'ici la fin de semaine prochaine, sur le bien-fondé de frappes militaires «limitées» contre le régime de Damas, accusé d'avoir lancé une attaque chimique le 21 août qui a fait des centaines de morts.

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«Si le régime mettait immédiatement ses stocks (d'armes chimiques) sous contrôle international, ce serait une étape importante», a estimé l'ancienne secrétaire d'État Hillary Clinton, peu après avoir rencontré Barack Obama à la Maison-Blanche.

Cependant, «cela ne peut pas être une nouvelle excuse pour un délai ou une obstruction», a-t-elle ajouté en écho aux propos des conseillers de M. Obama qui soulignaient la nécessité de «ne pas relâcher la pression» sur le régime syrien.

Mme Clinton, possible candidate à l'investiture démocrate pour la présidentielle de 2016, a par ailleurs souligné que cette proposition n'avait pu être formulée que «dans le contexte d'une menace digne de foi d'action militaire par les États-Unis».

La France a estimé que la proposition russe méritait «un examen précis», le chef de la diplomatie Laurent Fabius, réclamant «des engagements précis, rapides et vérifiables» de la part de Damas.

La chancelière allemande Angela Merkel a pour sa part jugé la proposition «intéressante».

Assurant que Damas était toujours prêt à des négociations de paix, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov avait créé la surprise un peu plus tôt en annonçant avoir proposé aux Syriens de placer leur stock d'armes chimiques, considéré comme l'un des plus importants au Moyen-Orient, sous contrôle international et de le détruire.

La Syrie a immédiatement «accueilli favorablement» cette proposition, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Walid Mouallem, tout en se gardant d'être plus explicite sur le fond.

Dans la foulée, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a appelé à la création de zones supervisées par les Nations unies en Syrie où les armes chimiques du pays pourraient être détruites.

«J'étudie la possibilité de demander de manière urgente au Conseil de sécurité d'exiger le transfert immédiat des stocks d'armes et de précurseurs chimiques dans des zones en Syrie où ils pourraient être entreposés en sûreté et détruits», a-t-il précisé, jugeant indispensable de surmonter «l'embarrassante paralysie» du Conseil sur le dossier syrien.

Coïncidence ou gaffe ? Quelques heures avant l'annonce de M. Lavrov, le chef de la diplomatie américaine John Kerry avait évoqué, lors d'une conférence de presse à Londres, l'hypothèse selon laquelle Bachar al-Assad pourrait «restituer l'intégralité de son arsenal chimique à la communauté internationale». Son porte-parole a cependant pris soin de préciser peu après que cette remarque purement «rhétorique» ne constituait pas une offre de négociation faite à Damas.

Lundi matin, Bachar al-Assad a lancé une mise en garde à Washington lors d'un entretien télévisé diffusé par la chaîne américaine CBS. >>> À lire ici.

Vote au Sénat reporté

Dans l'incertitude complète sur l'issue du vote final du Congrès sur des frappes en Syrie, Barack Obama doit aussi faire face à une opinion publique hostile à une intervention militaire en Syrie. Six Américains sur dix y sont opposés, selon un sondage publié lundi.

Conscient de jouer à la fois la crédibilité des États-Unis et de sa propre présidence, le président américain devait lancer une offensive tous azimuts pour convaincre les élus républicains et démocrates.

Il devait enregistrer pas moins de six interviews avec des chaînes de télévision pour diffusion à compter de lundi soir, avant de s'adresser le lendemain soir aux Américains.

Au Sénat, un premier vote de procédure, qui doit un aperçu du soutien dont bénéficie l'intervention dans la chambre haute du Congrès, devait avoir lieu mercredi. Il a finalement été reporté. 

À l'heure actuelle, la résolution sur les frappes prévoit une durée limite de 60 jours, prolongeable à 90 jours, et l'interdiction de déployer des troupes de combat au sol.

À Paris, le président français François Hollande prêt à s'associer à des frappes, a promis de s'adresser à son opinion, mais après le vote du Congrès et la remise du «rapport des inspecteurs» de l'ONU qui ont enquêté sur l'attaque présumée chimique du 21 août dans les faubourgs de Damas.

Pour la plupart des États de l'UE, ce rapport attendu dans les jours à venir est une étape essentielle, susceptible de confirmer de manière indépendante les accusations de recours aux gaz toxiques. Pour autant, le rapport ne devrait pas établir qui est à l'origine de ces attaques.

Carla del Ponte, membre de la commission d'enquête de l'ONU sur les violations des droits de l'homme en Syrie, a fait part de son hostilité à une intervention militaire dans ce pays. «Mon expérience dans les Balkans me dit que ce serait plus de victimes et plus de morts et rendrait encore plus difficile une solution politique», a affirmé l'ancienne procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY).

Washington accueille avec prudence la proposition russe

Les États-Unis ont accueilli favorablement, mais avec prudence lundi la proposition russe qui placerait les armes chimiques syriennes sous contrôle international, tout en faisant part de leur scepticisme sur les intentions du régime de Bachar al-Assad.

Peu après avoir rencontré le président Barack Obama à la Maison-Blanche, l'ancienne secrétaire d'État Hillary Clinton a estimé que «si le régime (de Damas) mettait immédiatement ses stocks sous contrôle international (...) ce serait une étape importante. Mais cela ne peut pas être une nouvelle excuse pour un délai ou une obstruction».

Mme Clinton, qui a pour la première fois soutenu publiquement la décision du président Obama de lancer des frappes «limitées» contre le régime Assad, pour le punir d'avoir eu recours à ses armes chimiques lors d'une attaque meurtrière le 21 août, a toutefois prévenu que «la Russie doit soutenir sincèrement les efforts de la communauté internationale ou rendre des comptes».

Elle a noté que les discussions sur le possible transfert du contrôle des armes chimiques syriennes «n'ont pu avoir lieu que dans le contexte d'une menace digne de foi d'action militaire par les États-Unis pour continuer à faire pression sur le gouvernement syrien et ceux qui le soutiennent, comme la Russie».

Peu avant Mme Clinton, Tony Blinken, conseiller adjoint de sécurité nationale de M. Obama, a déclaré que son pays voulait «examiner de près» la proposition de Moscou.

Son collègue Ben Rhodes, également conseiller adjoint de sécurité nationale, a toutefois prévenu sur la chaîne MSNBC que Washington ne relâcherait pas pour autant la pression sur Damas et se méfiait d'une tactique destinée à retarder l'échéance de frappes contre le régime d'Assad.

«Je pense qu'il va nous falloir rester en contact avec eux (les Russes) et d'autres pays pour évaluer le sérieux de cette proposition», a ajouté M. Rhodes.

«En même temps, ce sera très important de ne pas relâcher la pression» sur le régime syrien, a prévenu M. Rhodes, en soulignant que Washington ne prendrait en considération l'initiative russe «que s'il s'agit d'une proposition digne de foi».

«Nous ne voulons pas qu'il s'agisse d'un nouvel exercice destiné à retarder» les échéances, a encore dit le conseiller en faisant part du «scepticisme» du gouvernement américain.

De son côté, la porte-parole adjointe du département d'État, Marie Harf, a estimé que «tout ce qu'Assad a fait ces deux dernières années a été exactement le contraire» d'une mise sous contrôle de son arsenal chimique.

Plus tôt lundi, la Russie, principale alliée du régime Assad, a proposé à Damas de placer son arsenal chimique sous contrôle international et de le détruire.

La Syrie a immédiatement «accueilli favorablement» cette proposition, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Walid Mouallem, sans être plus spécifique. M. Mouallem, qui se trouvait lundi à Moscou, a aussi salué «la sagesse des dirigeants russes qui essaient d'empêcher une agression américaine contre notre peuple».

Dans la foulée, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a appelé à la création de zones supervisées par les Nations unies en Syrie où les armes chimiques du pays pourraient être détruites.

Au Congrès américain, rentré lundi de vacances et qui doit se prononcer sur une intervention militaire en Syrie, la présidente de la commission du Renseignement au Sénat Dianne Fenstein «accueillerait favorablement» un abandon par Assad de son arsenal chimique pour le placer sous contrôle international.

Un premier vote important au Sénat aura lieu mercredi sur le projet de résolution autorisant Barack Obama à intervenir militairement en Syrie, a annoncé le chef de la majorité démocrate, Harry Reid.

David Cameron: la proposition de Moscou «particulièrement bienvenue»

Le premier ministre britannique David Cameron a jugé lundi que la proposition faite par la Russie à la Syrie de placer sous contrôle international son arsenal chimique était «particulièrement bienvenue» s'il ne s'agissait pas d'une «manoeuvre de diversion».

«Si la Syrie mettait ses armes chimiques hors d'usage, sous supervision internationale, clairement ce serait un grand pas en avant et cela devrait être encouragé», a déclaré David Cameron devant les députés britanniques.

À propos de l'offre russe, il a déclaré: «si c'était le cas, ce serait particulièrement bienvenu».

«Je pense que nous devons faire attention toutefois à ce que ne soit pas une manoeuvre de diversion pour discuter d'autre chose que du problème sur la table», a ajouté le chef du gouvernement britannique.

«Mais si c'est une véritable proposition, elle doit être véritablement examinée», a-t-il dit.

Merkel juge la proposition russe «intéressante»

La chancelière allemande Angela Merkel a jugé lundi «intéressante» la proposition russe de placer l'arsenal chimique syrien sous contrôle international et a réitéré son opposition catégorique à une intervention militaire.

«Aujourd'hui il y a eu une proposition intéressante avec la Russie qui a appelé pour la première fois la Syrie à mettre son arsenal chimique sous contrôle international», a déclaré la chancelière lors d'une émission télévisée sur la chaîne publique ARD, ajoutant espérer que «les actes suivent» et qu'il ne s'agisse «pas que de gagner du temps».