Les menaces contre la France proférées par le président syrien Bachar al-Assad en cas d'opération occidentale pourraient se traduire par des actions contre des ambassades ou des ressortissants français au Moyen-Orient, particulièrement au Liban, selon des experts.

Bachar al-Assad a mis en garde lundi dans un entretien au Figaro contre le risque d'une «guerre régionale» en cas d'action militaire occidentale et menacé Paris de «répercussions négatives sur les intérêts de la France».

Ces experts consultés mardi par l'AFP estiment que le régime de Damas n'a plus les moyens logistiques de commettre des attentats sur le sol français, mais pourrait viser des intérêts ou des ressortissants français au Liban, par l'entremise de groupes comme le Hezbollah, mouvement chiite libanais et allié indéfectible du pouvoir syrien.

Selon une source diplomatique française, les principales craintes concernent en effet le Liban, où résident 2000 Français et 20 000 bi-nationaux, et particulièrement les bâtiments diplomatiques, la Finul (mission de l'ONU), les écoles et les missions culturelles françaises.

Interrogé mardi par l'AFP sur un éventuel renforcement des mesures de sécurité visant à protéger les ressortissants français après les menaces de Bachar al-Assad, le Quai d'Orsay a répondu que celles-ci étaient, «partout dans le monde, adaptées en permanence en fonction de l'évolution des menaces».

Après les attentats au Liban qui ont frappé la ville de Tripoli le 23 août et Beyrouth le 9 juillet et le 15 août, «il a été décidé», a précisé Philippe Lalliot, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, «de renforcer la vigilance sur l'ensemble du territoire libanais».

Sur le site «Conseils aux voyageurs» du ministère, la partie ouest du territoire libanais «est dorénavant signalée par la couleur orange et les déplacements y sont déconseillés sauf raison impérative». Le reste du pays est sous couleur rouge, c'est-à-dire «fortement déconseillé».

«Les déplacements dans les zones frontalières du pays, à Saïda et au sud de Beyrouth restent toujours formellement déconseillés, ces zones figurant en rouge sur les cartes du site», a précisé le porte-parole. Le site internet du Quai d'Orsay ne fait pas référence directement à des menaces venant de Syrie.

«Mesures de sécurité appropriées»

Pour Frédéric Gallois, ancien commandant du GIGN et l'un des dirigeants de Gallice Security, société de gestion de risques des entreprises françaises à l'étranger, «les propos d'Assad sont clairement une menace d'attentat à la voiture piégée contre un bâtiment diplomatique français ou un convoi de la Finul», la Force intérimaire des Nations unies au Liban.

La «seule menace régionale, c'est le Hezbollah», renchérit Louis Caprioli, longtemps chargé de la lutte contre le terrorisme à la Direction de la surveillance du territoire (DST, aujourd'hui DCRI). Ce spécialiste des réseaux islamistes, aujourd'hui conseiller spécial chez Géos, société de sécurité privée, rappelle que les «Syriens ont toujours considéré le Liban comme leur arrière-cour d'autant plus qu'ils peuvent s'appuyer sur le Hezbollah».

Louis Caprioli craint que le mouvement chiite libanais ne vise dans le sud du pays des soldats français de la Finul, dont la France est l'un des principaux contributeurs.

«Assad aboie beaucoup, mais n'a rien fait après le raid israélien mené il y a deux semaines contre une position d'un groupe palestinien proche du régime syrien dans le sud du Liban», relativise l'ancien chef d'un service de renseignement français s'exprimant sous la condition de l'anonymat. Pour autant, ajoute ce spécialiste, «rien n'interdit au président syrien de s'attaquer, par Hezbollah interposé, aux soldats français de la Finul».

Interrogée par l'AFP à Beyrouth, la force de l'ONU a assuré prendre «les mesures de sécurité appropriées» conformément à sa propre «évaluation des menaces». «La situation sur le terrain est calme», a toutefois déclaré mardi une porte-parole.