Les membres permanents du Conseil de sécurité ne sont pas parvenus mercredi à s'accorder sur une résolution britannique justifiant une action armée en Syrie, Londres assurant qu'elle n'aurait pas lieu avant que les résultats de l'enquête de l'ONU soient connus.

La ligne de fracture entre ces cinq pays - Chine et Russie d'un côté, France, Royaume-Uni et États-Unis de l'autre - reflète fidèlement les positions de chacun sur le conflit qui a fait plus de 100 000 morts et poussé des millions de Syriens à la fuite depuis mars 2011.

Les ambassadeurs russe et chinois ont quitté la salle où se tenaient ces consultations à huis clos au bout d'une heure et quart. Les représentants des trois autres pays sont restés un peu plus longtemps mais sont sortis sans faire de déclaration.

Selon le gouvernement britannique, le texte devait autoriser «toutes les mesures nécessaires en vertu du chapitre VII de la Charte de l'ONU pour protéger les civils contre les armes chimiques» en Syrie. Ce chapitre prévoit des mesures coercitives pouvant aller jusqu'à une opération militaire.

Mais pour le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, une frappe provoquerait une «déstabilisation supplémentaire de la situation», tandis que l'Iran, autre allié de Damas, a jugé qu'une action militaire «serait un désastre pour la région».

Peu de temps après la fin de la réunion, le département d'État a fait savoir qu'il ne voyait «aucune issue possible» au projet britannique en raison de l'opposition de la Russie.

Londres, pour sa part, a assuré qu'aucune action militaire n'aurait lieu avant la publication des résultats de l'enquête des inspecteurs de l'ONU sur place.

«Le Conseil de sécurité des Nations unies doit avoir l'opportunité d'avoir ce compte-rendu et tous les efforts doivent être faits pour obtenir une résolution du Conseil de sécurité soutenant une action militaire avant qu'une telle action ne soit engagée», indique une motion qui doit être soumise jeudi au Parlement, à Londres.

Selon le patron des Nations unies Ban Ki-moon, les experts ont besoin de quatre jours pour boucler leur mission, avant de procéder à des analyses et de présenter leur rapport.

Ces experts ont mené mercredi leur deuxième visite sur l'un des sites attaqués et effectué des prélèvements sanguins, d'urine et de cheveux auprès de victimes de l'attaque.

Même si une intervention directe de l'Otan n'est pas à l'ordre du jour selon un diplomate, l'Alliance atlantique a elle aussi jugé qu'un recours aux armes chimiques ne pouvait «rester sans réponse», en allusion à l'attaque qui a fait des centaines de morts le 21 août près de Damas selon l'opposition syrienne.

«Dissuader» Assad

Se disant convaincus de la responsabilité du régime de Bachar al-Assad dans cette attaque, Washington, Paris et Londres se sont déclarés prêts à agir, non pas pour le renverser mais pour le «dissuader» d'avoir de nouveau recours à des gaz toxiques dans la guerre civile.

Face au bruit de bottes, le pouvoir syrien a démenti tout recours aux armes chimiques, accusé les rebelles et expliqué que les Occidentaux «inventent» des prétextes pour attaquer.

Selon les spécialistes, les raids éventuels seront menés avec des missiles Tomahawk embarqués sur des navires croisant en Méditerranée et/ou des chasseurs-bombardiers opérant hors de l'espace aérien syrien. Ils visent à envoyer un message au régime, pas à anéantir ses capacités militaires et à donner un avantage décisif à la rébellion lancée il y a plus de deux ans.

Selon un haut responsable américain, les États-Unis écartent une action militaire unilatérale mais estiment que d'éventuelles frappes pourraient durer plus d'un jour.

Le bureau du Premier ministre britannique a assuré que David Cameron et le président américain Barack Obama n'avaient «aucun doute sur la responsabilité du régime» syrien dans l'«attaque chimique» meurtrière.

D'ailleurs Washington doit rendre publique cette semaine une partie d'un rapport des services de renseignement prouvant, selon l'administration américaine, la responsabilité du régime syrien dans ces attaques chimiques.

Selon le magazine Foreign Policy, la conviction américaine se base sur des conversations téléphoniques interceptées entre un responsable du ministère syrien de la Défense et le chef de l'unité des armes chimiques.

«Cimetière des envahisseurs»

Selon un responsable de l'opposition syrienne, Ahmad Ramadan, une possible frappe est une «question de jours» et parmi «les cibles éventuelles» figurent des aéroports, bases militaires et dépôts d'armes. Des discussions ont eu lieu selon lui à ce sujet entre opposants, rebelles et «pays alliés».

Maintenant une attitude de défi, comme depuis le début de la révolte en mars 2011, le régime syrien, après avoir assuré détenir «des moyens de défense qui vont surprendre», a prévenu par la voix de son Premier ministre Waël al-Halqi que la Syrie serait «le cimetière des envahisseurs».

Face aux menaces occidentales, l'armée a commencé à se repositionner ces dernières 48 heures, notamment à Damas, Homs et Hama (centre), avec «des dizaines de sièges de commandement militaire et de commandement de brigades évacués pour se replacer ailleurs», selon une ONG syrienne.

Aux États-Unis, le site internet du New York Times était toujours en panne mercredi près de 24 heures après une cyber-attaque lancée par un groupe de pirates syriens soutenant le régime Assad.

Craignant des débordements, Israël a autorisé un rappel limité de réservistes et déployé des batteries antimissiles à sa frontière nord avec la Syrie, alors que le voisin turc a renforcé son niveau de vigilance.

La perspective d'une frappe a fait monter le prix du baril de pétrole qui a atteint son plus haut en deux ans à New York à 110,10 dollars mercredi.

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