C'est la question du jour sur la scène internationale. Les États-Unis interviendront-ils militairement en Syrie? Le secrétaire d'État John Kerry a été catégorique, hier. Des armes chimiques ont été utilisées et les responsables devront rendre des comptes. Les experts consultés par La Presse estiment d'ailleurs qu'une attaque est hautement plausible.

Q: Y aura-t-il ou non une intervention militaire en Syrie?

R: Depuis quelques jours, les États-Unis ont donné plusieurs indications voulant qu'ils se préparent à attaquer la Syrie. «C'est écrit dans le ciel, affirme Charles-Philippe David, titulaire de la chaire de recherche Raoul-Dandurand. Barack Obama a annoncé lui-même il y a un an qu'il y avait une ligne rouge à ne pas franchir. Un moment donné, à force de crier au loup, il va devoir agir.» Même son de cloche du côté de Jabeur Fathally, professeur en droit civil et spécialiste du monde arabe à l'Université d'Ottawa. «Je pense qu'il y a une tendance sérieuse pour intervenir militairement. C'est une question de crédibilité pour les États-Unis.»

Q: À quel type d'intervention doit-on s'attendre si elle a lieu?

R: Les deux experts s'entendent là-dessus: aucun soldat américain ne foulera le sol syrien. Charles-Philippe David exclut totalement une intervention terrestre, il sera exclusivement question de frappes aériennes. L'intervention pourrait ressembler au scénario libyen, où l'on a considérablement réduit les capacités aériennes du pouvoir en place. L'expert prévoit aussi qu'on voudra établir une zone de protection humanitaire pour les réfugiés dans le nord du pays. «Ce seront des frappes limitées, des frappes chirurgicales, estime Jabeur Fathally. Les États-Unis vont vouloir sauver la face sans enflammer toute la région.»

Q: L'Organisation des Nations unies (ONU) donnera-t-elle son aval à une telle opération?

R: Tout porte à croire que les États-Unis et leurs alliés devront se passer du feu vert de l'ONU pour intervenir en Syrie. Charles-Philippe David est catégorique: «Jamais la Russie n'autorisera une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU d'une manière ou d'une autre qui donnerait un aval à cette intervention. Ce sera donc une opération en violation du droit international.»

Q: Quelles seraient les conséquences d'une intervention militaire?

R: Selon l'ampleur de l'attaque, les conséquences pourraient être différentes. Pour sa part, Jabeur Fathally estime que le régime de Bachar al-Assad va encaisser des frappes limitées, avec les protestations d'usage, mais tant que ça ne menace pas l'existence du régime. Mais la situation pourrait déraper si le régime syrien était directement visé par des attaques aériennes. «Le Hezbollah interviendrait et attaquerait Israël. J'en suis persuadé. Et là, toute la région pourrait s'enflammer.» Charles-Philippe David, lui, demeure sceptique. «Je ne suis pas du tout convaincu que cette intervention serait aussi bénéfique et concluante que nous le souhaitons. Mais les Américains se sont peinturés dans un coin et maintenant, ils n'ont plus le choix. Obama n'a que de mauvaises options, il doit prendre la moins mauvaise de toutes.» Selon M. David, c'est pour toutes ces raisons que le président Obama a toujours refusé d'intervenir en Syrie, «parce que les conséquences sont bien plus terribles que les bénéfices».

Q: Y a-t-il toujours de l'espoir pour une solution diplomatique?

R: «C'est ce que tout le monde souhaite, estime Charles-Philippe David. Il y a certainement de grosses discussions en cours à cet effet. Mais je suis assez sceptique que tout ça produirait une solution miracle. D'autant plus que maintenant, ce n'est plus une question de savoir s'il y aura une intervention militaire, mais de savoir quand elle va avoir lieu.» Selon Jabeur Fathally, une intervention militaire pourrait éventuellement favoriser les rebelles et donner plus de poids à de possibles négociations avec le régime de Bachar al-Assad.