Les experts de l'ONU doivent commencer à enquêter lundi sur les lieux d'une attaque chimique présumée survenue mercredi près de Damas, après avoir obtenu un feu vert du régime jugé trop tardif par les pays occidentaux qui étudient une option militaire.

Après l'attaque meurtrière de mercredi près de la capitale, où l'opposition syrienne affirme malgré les nombreux démentis de Damas que le régime a utilisé des armes chimiques pour tuer des centaines de civils, l'ONU a confirmé que ses experts se rendraient lundi sur place, en donnant une «priorité absolue» à cette enquête.

«Chaque heure compte», a prévenu lundi le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon lors d'une visite à Séoul. «Nous ne pouvons pas nous permettre de délai supplémentaire».

«Nous ne pouvons pas laisser impuni ce qui apparait être un crime grave contre l'humanité», a ajouté le patron des Nations Unies.

D'intenses consultations à haut niveau ont eu lieu ces derniers jours entre les capitales occidentales pour préparer une «réponse sérieuse», alors que l'armée américaine assurait préparer ses options.

Et un responsable américain a affirmé à l'AFP que compte tenu du nombre présumé de morts, de leurs symptômes et des informations rassemblées par le renseignement américain, il restait «très peu de doutes» sur l'usage d'armes chimiques, longtemps considéré par Washington comme une «ligne rouge».

En outre, pour ce responsable, le feu vert de Damas arrive «trop tard pour être crédible, notamment parce que les preuves disponibles ont été largement altérées par les bombardements continus menés par le régime et d'autres actes délibérés ces cinq derniers jours».

«La plupart des preuves pourraient avoir été détruites», a insisté le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague.

Pour autant, la Maison-Blanche a démenti des informations du quotidien britannique Telegraph affirmant que Washington et Londres s'apprêtaient à lancer une action militaire commune «dans les prochains jours».

«Le président (Obama) n'a pas décidé d'engager une action militaire», a assuré un responsable de la présidence américaine.

Le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, a pour sa part estimé que l'attaque chimique ne faisait plus «aucun doute» et le chef de l'État François Hollande a déclaré au président américain Barack Obama que «tout concordait pour désigner le régime de Damas», tandis que son premier ministre Jean-Marc Ayrault a dénoncé un «crime contre l'humanité».

La Russie, puissante alliée de Damas, a appelé la communauté internationale et l'opposition syrienne à laisser les experts faire leur travail pour éviter une répétition de l'«aventure» en Irak.

«Nous appelons vigoureusement ceux qui, en essayant à l'avance d'imposer aux experts de l'ONU les résultats de leur enquête, évoquent la possibilité de mener une opération militaire en Syrie, à faire preuve de bon sens et à ne pas commettre d'erreur tragique», a déclaré le porte-parole de la diplomatie russe, Alexandre Loukachevitch.

Moscou a aussi accusé les Occidentaux d'ignorer «une multitude de faits montrant que cette action était une provocation de l'opposition radicale».

Aux États-Unis, M. Obama semblait en effet se rapprocher d'une possible action militaire limitée en Syrie. Il a mené samedi des consultations au plus haut niveau à la Maison-Blanche et s'est entretenu en particulier avec son allié britannique, le premier ministre David Cameron.

Dimanche, M. Cameron a appelé la chancelière allemande Angela Merkel. Les deux dirigeants sont convenus que cette attaque chimique «exigeait une réponse ferme de la part de la communauté internationale», a indiqué Downing Street.

Le secrétaire américain à la Défense Chuck Hagel a déclaré que les forces américaines étaient prêtes à agir contre le régime syrien si nécessaire. «Nous avons préparé toutes les options (si M. Obama) décidait de choisir l'une d'elles», a-t-il dit.

Mais l'Iran, allié du régime syrien et bête noire de Washington, a une nouvelle fois menacé les États-Unis de «dures conséquences» en cas d'intervention.

Médecins sans frontières a fait état samedi de 3600 patients «présentant des symptômes neurotoxiques» arrivés en moins de 3 h mercredi matin dans trois hôpitaux de la région de Damas, dont 355 décédés, sans pouvoir «confirmer scientifiquement la cause de ces symptômes».

Se basant sur des rapports médicaux, l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) a comptabilisé plus de 300 morts par gaz toxique, dont des dizaines de rebelles.

Ralf Trapp, consultant indépendant qui fut de 1998 à 2006 expert à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), avait déclaré jeudi à l'AFP que les enquêteurs devaient au plus vite «parler aux témoins, aux victimes, procéder à des examens médicaux, prélever des échantillons».

Selon lui, les agents neurotoxiques sont détectables seulement quelques jours dans les urines, mais ils restent «plusieurs semaines» dans le sang. «Il n'est absolument pas trop tard! Les inspecteurs de l'ONU (...) ont de bonnes chances» de découvrir ce qui s'est passé.

À Rome, le pape François a appelé dimanche à faire «cesser le bruit des armes» en Syrie, où le conflit a fait selon l'ONU plus de 100 000 morts en près de deux ans et demi.

Sur le terrain, le gouverneur de la province de Hama (centre) a été assassiné dimanche dans un attentat à la voiture piégée, ont annoncé les médias officiels en imputant l'attaque aux rebelles.

Il avait été nommé en juillet 2012 pour reprendre en main la zone après des manifestations massives contre le régime dans la ville de Hama, théâtre en 1982 d'une terrible répression contre les Frères musulmans.