Le gouvernement syrien a demandé mercredi aux Nations unies d'enquêter sur l'utilisation d'armes chimiques par l'opposition armée près d'Alep, dans le nord du pays, a annoncé l'ambassadeur syrien à l'ONU Bachar Jaafari.

«Le gouvernement syrien a demandé au secrétaire général (de l'ONU Ban Ki-moon) de fournir de l'aide pour former une mission technique spécialisée, indépendante et neutre, afin d'enquêter sur des attaques par des groupes terroristes en Syrie utilisant des armes chimiques contre des civils», a déclaré l'ambassadeur. Le terme «terroristes» est généralement utilisé par Damas pour désigner l'opposition armée.

Selon M. Jaafari, les opposants ont utilisé ces armes chimiques à Khan al-Assal, près d'Alep.

Il a rappelé que Damas avait «averti en décembre dernier (l'ONU) de la possibilité que des groupes terroristes aient recours à des armes chimiques et tentent ensuite d'accuser le gouvernement d'utiliser du matériel chimique».

Le régime de Bachar al-Assad et l'opposition s'accusent mutuellement d'avoir fait usage d'armes chimiques. L'opposition affirme notamment que le régime a eu recours à ces armes à Khan al-Assal et Atayba, à l'est de Damas.

La France, le Royaume-Uni et les États-Unis vont demander au secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon d'envoyer une mission d'enquête en Syrie pour vérifier les accusations, ont indiqué mercredi des diplomates à New York.

Il s'agira de «faire une enquête sur l'ensemble du territoire (syrien) pour faire la lumière sur toutes les allégations», de la part de Damas et de l'opposition, a déclaré l'ambassadeur français Gérard Araud à l'ONU.

La Russie, alliée de Damas, tout comme l'Iran, ont indiqué avoir «reçu des informations» selon lesquelles des rebelles ont utilisé des armes chimiques lors d'une attaque mardi dans la province d'Alep, qui a fait selon un bilan officiel 31 morts.

Les États-Unis ont dit ne «disposer d'aucune preuve pour soutenir les accusations» contre les rebelles, tout en mettant en garde le régime contre un tel usage.

Des diplomates du Conseil de sécurité de l'ONU se montraient très prudents mercredi sur ces accusations des deux camps. «Nous n'avons tout simplement aucune information permettant de corroborer, vérifier ou confirmer» ces allégations, a déclaré l'un d'eux.

Selon le porte-parole de l'ONU Martin Nesirky, si l'utilisation d'armes chimiques par l'un ou l'autre camp était avérée, il s'agirait d'un «crime monstrueux», mais l'ONU n'est pas en mesure de le confirmer.

Obama réagit vivement

Le président américain a mis en garde mercredi le régime syrien contre l'utilisation d'armes chimiques, se déclarant «très sceptique» sur les affirmations selon lesquelles les rebelles syriens y auraient eu recours.

L'utilisation d'armes chimiques contre le peuple syrien serait «une grave et tragique erreur», a affirmé M. Obama lors d'une conférence de presse conjointe à Jérusalem avec le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, ajoutant : «le régime Assad doit comprendre qu'il devra rendre des comptes».

«Une fois les faits établis, j'ai clairement dit que le recours à des armes chimiques change la règle du jeu», a averti le président américain qui ne s'était encore jamais exprimé aussi longuement sur ce sujet.

Les États-Unis vont enquêter sur les allégations d'utilisation d'armes chimiques en Syrie mardi pour la première fois en deux ans de conflit, indiquant que si elles étaient confirmées, cela exigerait une réaction internationale.

«Je ne ferai pas d'annonce aujourd'hui sur les étapes à suivre car je pense qu'il faut d'abord recueillir les faits», a-t-il dit avant de poursuivre: «Mais je crois que quand on commence à voir des armes potentiellement dévastatrices et un grand nombre de victimes, et qu'on laisse sortir le génie de la bouteille, on risque d'assister à des scènes encore plus horribles que ce que l'on a déjà vu en Syrie».

Le président Obama répugne jusqu'à présent à impliquer militairement les États-Unis dans le sanglant conflit syrien et a bloqué l'envoi d'armes et de munitions à la rébellion.

Dans une déclaration à l'issue d'un entretien plus tôt dans la journée avec M. Obama, le président israélien Shimon Peres a estimé que les armes chimiques stockées en Syrie «ne devaient pas tomber aux mains de groupes terroristes».

«La capacité nucléaire syrienne a été heureusement détruite mais malheureusement il reste l'arsenal d'armes chimiques», a averti M. Peres, en faisant allusion à la destruction par Israël d'un réacteur nucléaire dans l'est de la Syrie en septembre 2007.

«Nous ne pouvons laisser ces armes tomber aux mains de terroristes, cela conduirait à une tragédie épouvantable», a ajouté M. Peres dans une brève déclaration retransmise à la télévision.

Le ministre israélien des renseignements et des affaire stratégiques, Youval Steinitz, a assuré mercredi que des armes chimiques avaient été utilisées en Syrie, par les rebelles ou par le gouvernement.

«Il est clair que des armes chimiques ont été utilisées contre des citoyens (syriens) par les rebelles ou par le gouvernement», a déclaré M. Steinitz à la radio militaire.

«C'est un fait très inquiétant pour nous et dont nous devons nous occuper en urgence», a-t-il ajouté.