Un photographe français, Olivier Voisin, est mort dimanche après avoir été blessé la semaine dernière lors d'un bombardement en Syrie, pays qui confirme sa triste réputation de zone la plus dangereuse au monde pour les journalistes.

Le reporter indépendant, âgé de 38 ans et ayant publié des photos dans la presse française et internationale, avait été grièvement blessé à la tête et au bras droit par des éclats d'obus alors qu'il couvrait les opérations d'une katiba (groupe armé d'opposition) dans la région d'Idlib (nord de la Syrie).

Transféré à l'hôpital international d'Antakya, son état était jugé critique malgré une intervention chirurgicale. Il est mort dans la nuit à 0h44 locale.

«Olivier était un passionné, qui voulait témoigner de l'absurdité de la guerre, même s'il reconnaissait que c'était pour lui une véritable drogue», a confié l'un de ses confrères photographes.

«Je l'avais rencontré l'été dernier à Alep, il était expérimenté, prudent, bien sur le terrain et vraiment humain», a dit de lui Edouard Elias, photographe indépendant qui avait aussi travaillé à ses côtés le mois dernier en Syrie.

Le président François Hollande a rendu hommage au photographe. «Sa disparition rappelle tragiquement les risques pris par les journalistes pour informer nos concitoyens, quels que soient les dangers», déclare le chef de l'État dans un communiqué.

Un de ses derniers courriels, envoyé la veille de ses blessures à une amie italienne qui l'a publié sur Facebook, est poignant. Il y raconte ses derniers jours de travail pour passer clandestinement en Syrie dans des conditions terribles.

«Accro à la guerre»

«Il fait très froid la nuit. Heureusement que je me suis acheté un collant de femme en Turquie du coup c'est pour moi un peu plus supportable. L'artillerie tire toutes les 20 minutes à peu près et le sol tremble souvent», écrit-il.

Il y décrit aussi les combats, très proches, ses relations avec les combattants et les «barbus». Mais surtout la guerre: «C'est vrai suis accro à cette cam' de merde. Aucune autre drogue sera aussi puissante que l'adrénaline qui d'un coup fait jaillir en nous des sensations incroyables, notamment celles de vouloir vivre», dit-il.

Il conclut sur sa foi et la prière du parachutiste: «Mon Dieu, donne moi ce que les autres ne veulent pas, donne moi la bagarre et la tourmente, je Te le demande ce soir, car demain je n'en aurai plus le courage».

Olivier Voisin travaillait pour de nombreux médias français et internationaux. Ses reportages ont notamment été publiés par des journaux comme L'Express, Le Monde, Le Progrès, Le Soir, Libération, Elle, La Vie, La Croix, Télérama, The Guardian ou L'Orient Le Jour.

Outre le conflit syrien, il a réalisé différents reportages en Libye et en Somalie, mais aussi au Brésil, en Haïti au Kenya et aux États-Unis.

Début janvier, il avait réalisé pour l'Agence France-Presse des clichés de combats dans la vieille ville d'Alep puis une série sur le camp de réfugiés syriens de Azaz sous la neige près de la frontière turque.

Né en mars 1974 en Corée, Olivier Voisin avait été adopté par une famille française. Il souriait de son physique en disant que «Dans tous les pays du Sud on me prend pour un "Chinois" (...) Ils comprennent toujours pas comment je peux être Français».

Avec la mort d'Olivier Voisin s'allonge la longue liste des journalistes tués en Syrie depuis le début de ce conflit, un des plus meurtriers.

Outre les Français Gilles Jacquier en janvier 2012 et Rémi Ochlik, tué avec l'Américaine Marie Colvin en février la même année, puis Yves Debay le mois dernier à Alep, Reporter sans Frontières (RSF) a recensé plus de vingt journalistes professionnels morts en Syrie. S'y ajoutent une cinquantaine de morts parmi les «citoyens journalistes».