L'opposition tolérée en Syrie a refusé lundi de participer au dialogue national auquel avait appelé la veille dans un rare discours le président Bachar al-Assad, afin de mettre fin au conflit qui ensanglante le pays depuis 21 mois.

«Nous ne participerons pas au dialogue national avant l'arrêt des violences, la libération des détenus, la garantie que l'aide humanitaire peut parvenir aux régions touchées et (que soit publié) un communiqué apportant des éclaircissements sur le sort des disparus», a déclaré lors d'une conférence de presse à Damas Hassan Abdel Azim, qui dirige le Comité de coordination pour le changement national et démocratique (CCCND).

«Toute négociation, et pas seulement le dialogue, doit se faire sous l'égide de l'envoyé de la Ligue arabe et de l'ONU (Lakhdar Brahimi), il n'y aura pas de négociation ou de dialogue directs entre nous et le régime», a-t-il ajouté.

«L'étape du dialogue politique et de la solution politique est passée, ce n'est plus le temps ni le lieu. Il aurait fallu que M. Assad propose cette initiative au début des événements, en avril ou mai 2011 au moins, mais il s'est refusé à le proposer et a poursuivi la solution sécuritaire», a-t-il déploré.

Raja al-Nasser, secrétaire du bureau exécutif du CCCND, a précisé que sa formation «était et reste pour une solution politique».

«Mais ce que M. Assad a proposé dans son discours, ce n'est pas une solution politique répondant aux attentes réelles», a-t-il poursuivi dénonçant «un discours de guerre».

Dans un communiqué, le CCCND estime que ce discours «coupe la route à l'initiative de M. Brahimi pour une solution pacifique».

Après une visite fin décembre à Damas, l'émissaire international Lakhdar Brahimi avait évoqué un plan prévoyant un cessez-le-feu, la formation d'un gouvernement aux pleins pouvoirs et des élections.

Qualifiant son discours d'«irréaliste et irréalisable», le CCCND note que M. Assad «exige de ses adversaires qu'ils déposent les armes et le considèrent comme le vainqueur» alors que ce n'est pas le cas sur le terrain.

Rejetant les affirmations du régime qui dit faire face à un «complot» de l'étranger, le CCCND dit avoir vu dans ce discours «l'intransigeance du régime qui cherche à garder la mainmise sur le pays».

Mise en oeuvre du plan

Le premier ministre syrien Waël al-Halaqi a annoncé lundi une réunion du gouvernement prochainement pour mettre en oeuvre le plan de sortie de crise proposé la veille par le président Bachar al-Assad, a rapporté l'agence officielle Sana.

M. Halaqi a invité «les membres du gouvernement à se réunir afin d'établir les mécanismes nécessaires pour le programme national annoncé par le président Bachar al-Assad dans son discours d'hier pour résoudre la crise en Syrie», a indiqué Sana dans une courte dépêche.

Présentant pour la première fois une feuille de route détaillée, le chef d'État contesté avait proposé dimanche dans un discours un plan prévoyant la fin des opérations militaires, suivies par un dialogue national sous l'égide du «gouvernement actuel».

Il avait ajouté que le cabinet mettrait au point «dans les prochains jours» les détails de cette initiative, qui vise à terme l'élaboration d'une Charte nationale soumise à référendum avant qu'un nouveau Parlement et un nouveau gouvernement n'émergent des urnes.

Dans son édition de lundi, le quotidien Al-Watan, proche du pouvoir, citait des sources proches du régime affirmant que ce plan de M. Assad était «profondément patriotique».

Elles ont encore dénoncé le concept occidental de «période transitoire» qui prévoit de passer d'une «étape avec le président Assad à une étape sans le président Assad», notant que cette interprétation était «inacceptable sur le fond comme sur la forme».

Après une visite fin décembre à Damas, l'émissaire international Lakhdar Brahimi avait évoqué un plan prévoyant un cessez-le-feu, la formation d'un gouvernement aux pleins pouvoirs et des élections.

Pour ces sources, qui s'exprimaient sous le couvert de l'anonymat, ce plan vise à «former un gouvernement aux pleins pouvoirs qui confisquera la direction de l'armée au président Assad, avec comme conséquence de la diviser et de la déchirer».

Mais, ont ajouté ces sources, «cela n'arrivera pas, et la Syrie se battra jusqu'à la fin avec son armée et ne permettra pas qu'elle soit déchirée».

«La solution politique est une décision stratégique des autorités syriennes pour sortir de la crise, mais l'option sécuritaire (leur) est dictée par le terrorisme», ont ajouté ces sources.