La décision des États-Unis d'inscrire le Front djihadiste Al-Nosra sur leur liste des organisations terroristes a déclenché mercredi une vague de critiques parmi les rebelles, les militants et les opposants syriens.

Cette inscription a provoqué sur le terrain un élan de sympathie à l'égard de ce front radical parmi les militants et les rebelles de l'Armée syrienne libre (ASL, principale composante de la rébellion).

Washington, estimant le Front Al-Nosra comme une émanation de la branche irakienne du réseau Al-Qaïda, l'a placé mardi sur sa liste des organisations terroristes étrangères. Plus important groupe djihadiste en Syrie en proie à la guerre, il est composé majoritairement de Syriens, mais compte de nombreux combattants étrangers.

À Atmé, une localité rebelle où les habitants se préparaient à manifester vendredi sous le slogan «Front Al-Nosra, nous serons avec toi jusqu'à la mort», un notable a jugé que «l'Amérique est allée trop vite».

«Si Al-Nosra commet des actes criminels après la chute de Bachar al-Assad, alors nous pourrons dire qu'ils sont des terroristes. Pour l'instant c'est trop tôt», a-t-il affirmé, tandis que les rebelles affirmaient vouloir poursuivre le combat avec les djihadistes.

Le général Ahmed al-Faj, un commandant de l'ASL dans la province d'Idlib (nord-ouest) a estimé que «ce n'est pas à l'Amérique de décider qui est un terroriste en Syrie».

«Nous combattons seuls tous les jours, nous mourons seuls tous les jours, nous déciderons seuls de qui est terroriste et qui ne l'est pas», a-t-il dit à l'AFP. «Le Front Al-Nosra partage notre combat contre Bachar al-Assad. Quiconque nous aide à le renverser n'est pas un terroriste, mais un ami».

Pour le colonel Mohamed Farès, également membre de l'ASL dans la région, «le sort d'Al-Nosra sera décidé après la chute d'Assad et des élections libres».

Un combattant, Ahmed Abdessalam, a loué les qualités des djihadistes «efficaces, courageux et en première ligne. Ils ne connaissent pas la peur et ne reculent pas».

Estimant que «le Front Al-Nosra n'a jamais rien fait d'illégal ou de condamnable à l'encontre d'un pays étranger», le colonel rebelle Abdel Jabbar al-Oqaïdi, chef du conseil militaire de l'ASL de la région d'Alep (nord), a rejeté la décision américaine.

Pour lui comme pour les Frères musulmans de Syrie, l'une des principales forces de l'opposition politique, c'est M. Assad qui est le «seul terroriste en Syrie».

Apportant son soutien au groupe djihadiste, qui a infligé de lourdes pertes aux troupes gouvernementales et recourt régulièrement aux attentats-suicide, les Frères musulmans ont qualifié la décision américaine d'«erreur».

Les militants anti-régime ont également dénoncé cette décision, s'en prenant une nouvelle fois à l'inaction de la communauté internationale, toujours paralysée par ses divisions, après 21 mois de violences et plus de 42 000 morts selon une ONG syrienne.

«Nous voulons une action internationale et au lieu de cela, les États-Unis mettent sur leur liste noire une organisation qui aide l'ASL», a déclaré à l'AFP un militant se présentant sous le nom d'Abou Ghazi.

«L'Occident ne s'est pas encore décidé à forcer Assad à se retirer, mais il n'hésite pas à mettre Al-Nosra sur liste noire», a-t-il ajouté.

Le chef de la Coalition de l'opposition, Ahmed Moaz al-Khatib, a appelé quant à lui Washington à réexaminer sa décision.

«Nous pouvons avoir des divergences idéologiques et politiques avec certaines parties, mais les révolutionnaires partagent tous le même but : renverser ce régime criminel», a-t-il estimé lors de la réunion du groupe des Amis du peuple syrien au Maroc.