L'armée syrienne tentait dimanche de reprendre des positions clés conquises par les rebelles dans le nord du pays, la crise avec le voisin turc s'envenimant après la décision d'Ankara de fermer son espace aérien aux vols civils syriens.

Le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, a fait cette annonce dimanche après que Damas eut décidé samedi d'interdire aux avions de la Turkish Airlines de survoler son territoire.

«Comme nous avons établi que ces vols civils étaient utilisés à mauvais escient par le ministère syrien de la Défense à des fins de transport de matériel militaire, nous avons adressé hier une note à la partie syrienne», a expliqué le ministre.

M. Davutoglu a par ailleurs rejeté les appels de Damas à un dialogue bilatéral pour gérer les tensions frontalières.

Anciens alliés, la Turquie, qui soutient la rébellion, et la Syrie ont vu leurs relations, déjà tendues, s'envenimer après la mort de cinq civils turcs tués le 3 octobre par un obus syrien à la frontière.

La crise s'est encore aggravée après l'interception mercredi par Ankara d'un avion syrien transportant, selon Ankara, des armes russes, ce qu'ont démenti Damas et Moscou.

Samedi, les dirigeants turcs ont discuté avec l'émissaire international Lakhdar Brahimi de «l'urgence de trouver un moyen d'arrêter le bain de sang» en Syrie, soulignant les «répercussions néfastes du conflit sur la région».

Après l'Arabie saoudite et la Turquie, le médiateur de la Ligue arabe et des Nations unies s'est rendu dimanche en Iran, principal allié de M. Assad.

Le ministre iranien des Affaires étrangères Ali Akbar Salehi a remis à M. Brahimi une «proposition informelle» visant à mettre fin au conflit syrien, dont le contenu n'a pas été détaillé.

Évoquant l'ensemble des propositions faites par divers pays, M. Brahimi a dit espérer «que toutes ces idées s'organiseront au sein d'un projet capable de mettre fin au cauchemar du peuple syrien».

Le chef du bureau de M. Brahimi en Syrie, Moukhtar Lamani, s'est de son côté entretenu avec des dirigeants de l'opposition syrienne près de Damas, a indiqué l'ONU.

Dimanche, les violences ont encore fait 130 morts, dont 79 civils, à travers le pays, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Home (OSDH) qui recense 33 000 tués depuis mars 2011.

Attaques rebelles tous azimuts

Sur le terrain, l'armée a lancé une contre-attaque dans le nord pour reprendre des positions aux insurgés, et repoussait une offensive des rebelles contre la plus importante base militaire de la province d'Idleb, selon une ONG syrienne.

L'aviation larguait des bombes sur Maaret al-Noomane, prise par les rebelles en début de semaine. Un journaliste de l'AFP y a vu un civil littéralement coupé en deux par une frappe, son corps affreusement mutilé gisant dans une mare de sang.

«Regardez ce que ce régime fait à son peuple!», «Venez ici Lakhdar Brahimi!», s'écriaient des badauds.

En s'emparant de cette ville située sur la route reliant Damas à Alep, les rebelles ont pu freiner l'acheminement des renforts militaires vers la métropole du Nord, théâtre depuis mi-juillet de violents combats.

Le blocage de son approvisionnement affaiblit l'armée qui peine déjà à faire face sur tous les fronts qui s'ouvrent à travers le pays.

À l'est de Maaret al-Noomane, des combats se déroulaient aux abords de l'importance base de Wadi Daif, qui renferme des réservoirs de carburant, des chars et un grand nombre de soldats, selon l'OSDH.

Plus au nord, près de la ville rebelle de Saraqeb, l'armée s'est retirée d'un barrage stratégique, l'OSDH affirmant qu'il ne restait plus qu'un seul barrage pour que cette région sur la route d'Alep échappe au régime.

D'après les analystes, la supériorité militaire et notamment aérienne du régime n'est plus déterminante, car les troupes sont démoralisées après 19 mois de révolte, minées par les défections et privées de renforts.

Au coeur d'Alep, l'armée a néanmoins repris le contrôle total de la mosquée historique des Omeyyades, que les rebelles avaient partiellement prise la veille, selon une source militaire et une ONG.

Alors que les rebelles s'étaient emparés samedi de deux bases dans la région de Homs (centre) et à Damas, ils ont aussi perdu cette dernière dimanche. Mais «ce qui est important ce sont les armes et les munitions qu'ils saisissent lors de l'attaque», a commenté le président de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane.

Human Rights Watch (HRW) a accusé l'aviation d'avoir largué, dans différentes zones du pays, des bombes à sous-munitions, s'inquiétant des vidéos montrant des civils manipulant des sous-munitions non explosées «au péril de leur vie».

Des dizaines de corps, probablement des combattants rebelles, ont par ailleurs été découverts au sud-ouest de Damas, dans une zone théâtre de récents combats, d'après l'OSDH.