Les pays occidentaux serrent les rangs derrière la Turquie après l'incident frontalier avec la Syrie mais il est peu probable que cette poussée de fièvre entraîne l'implication militaire des membres de l'Otan, États-Unis en tête.

L'Otan n'a pas tardé à exprimer sa solidarité avec la Turquie, l'un de ses 28 pays membres. Quelques heures seulement après la mort de cinq civils turcs tués par des obus tirés de Syrie, elle s'est réunie en urgence mercredi soir à Bruxelles pour «condamner avec force» cet «acte agressif» et «exhorter le régime syrien à mettre fin à ses violations flagrantes du droit international».

Les représentants turcs se sont déclarés satisfaits de la célérité et de la fermeté de l'Alliance atlantique.

Le message est en effet plus fort que celui que l'Otan avait envoyé le 26 juin lorsqu'un avion de combat turc avait été abattu par la défense anti-aérienne syrienne.

«Cette fois-ci, des civils ont été tués pour la première fois à l'intérieur du territoire turc. Il fallait donc envoyer un signal fort de solidarité», a expliqué un diplomate.

De Washington à Paris, les capitales occidentales ont également condamné les tirs venus de Syrie, qui sont un «exemple du comportement dévoyé» du régime de Damas, selon le porte-parole du Pentagone, George Little.

Une déclaration était également attendue pour jeudi de la part du Conseil de sécurité de l'ONU.

Mais, au delà des mots, aucune évolution de l'attitude des Occidentaux n'est attendue, selon les experts.

À l'heure actuelle, «personne ne veut "natoïser" le conflit syrien», résume un haut diplomate auprès de l'Alliance.

La question syrienne ne figure d'ailleurs pas au programme officiel de la réunion des ministres de la Défense de l'Alliance les 9 et 10 octobre à Bruxelles.

«Il n'y a aucune discussion concernant une option militaire», avait réitéré lundi le secrétaire général de l'alliance, Anders Fogh Rasmussen, en estimant que seule «une solution politique» pouvait mettre fin au conflit.

Pour Nadim Shehadi, expert à Chatham House à Londres, «il est clair que l'Otan n'a pas envie ou n'est pas prêt à intervenir. Si cela était le cas, un incident moins important que celui-ci» l'aurait déjà justifié.

«Les options des Occidentaux restent très limitées», souligne François Heisbourg, de l'International Institute for Strategic Studies (IISS). «Ils sont piégés» par l'impossibilité d'obtenir un accord au Conseil de sécurité de l'ONU en raison de l'opposition de la Russie et de la Chine. «Dans ces conditions, il est normal de rester silencieux car plus vous parlez, plus vous affichez votre impuissance».

Quant aux Turcs, «ils ne veulent probablement pas faire la guerre» mais qu'adviendra-t-il «en cas de nouveaux tirs, qui tueraient un plus grand nombre de civils et provoqueraient la colère du peuple turc?», s'interroge l'expert.

Dans ce cas, la Turquie pourrait aller jusqu'à invoquer l'article 5 de la charte de l'Otan, qui stipule qu'«une attaque armée contre un des pays membres est considérée comme une attaque dirigée contre eux tous». Même si elle n'est pas contraignante en terme d'assistance, une telle démarche obligerait l'alliance à s'engager.

«Cela ne signifie pas que l'Otan serait contrainte de défendre militairement la Turquie, qui en a les moyens», estime Michael Codner, de l'institut britannique Rusi. Mais elle «pourrait envisager de déployer des forces en Turquie pour afficher son soutien. Cela serait susceptible d'avoir un effet dissuasif vis à vis de la Syrie», selon lui.

Depuis la création de l'Otan en 1949, l'article 5 n'a été invoqué qu'une seule fois, en 2001 à la suite des attaques du 11 septembre contre les États-Unis.

Si la situation continuait à se détériorer, Ankara pourrait également recourir à l'article 51 de la charte de l'ONU qui légitimise l'usage de la force en cas de légitime défense.