Le premier ministre syrien Riad Hijab a fait défection lundi et rejoint l'opposition, devenant le plus haut responsable à rompre avec le régime du président Bachar al-Assad depuis le début d'une révolte inédite il y a 16 mois.

Sur le terrain, l'armée loyaliste bombardait à l'artillerie le principal bastion rebelle de Salaheddine à Alep (nord), toujours en proie à des combats, alors qu'un attentat à la bombe a visé la télévision officielle à Damas, principal outil de propagande du régime, faisant des blessés.

Le chef du Conseil national syrien (CNS), la principale coalition de l'opposition, Abdel Basset Sayda, a salué la défection de M. Hijab signifiant que «le régime se désagrège. C'est le début de la fin».

«C'est une nouvelle indication du fait qu'Assad a perdu le contrôle de la Syrie», a pour sa part déclaré le porte-parole du conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche.

Riad Hijab, un sunnite nommé premier ministre il y a deux mois par le président Assad, de confession alaouite, a fait défection avec sa famille en Jordanie en raison des «crimes de guerre et de génocide» commis par le régime, a annoncé son porte-parole à Amman, Mohamed Otri.

Le ministre syrien de l'Information Omrane al-Zohbi a confirmé implicitement la défection, mais en a minimisé l'impact. «Les défections de personnalités, quel que soit leur rang, ne modifient en rien la politique de l'État syrien».

Il a néanmoins démenti la défection d'autres membres du gouvernement, après l'annonce de la fuite de deux ministres non identifiés par l'opposition syrienne en Jordanie.

En appui de ce démenti, la télévision d'État, qui avait le matin affirmé que «Riad Hijab avait été démis de ses fonctions», a diffusé longuement les images d'une réunion du Conseil des ministres, montrant chacun de ses membres.

La réunion était présidée par Omar Ghalawanji, vice-premier ministre désigné pour «expédier les affaires courantes» après le départ de M. Hijab.

Le régime se désagrège

Dans la rue, c'est la surprise qui domine. «C'est une perte pour le pays», a estimé Rana, une employée de 45 ans rencontrée à Damas.

Pour Mohammed, un commerçant à Damas, «le régime se désagrège». «Il y aura d'autres défections», prédit-il.

M. Hijab devrait s'installer au Qatar qui accueille déjà plusieurs hauts responsables civils ayant fait défection, selon son porte-parole.

Trois officiers de l'armée ont aussi fui en Jordanie, a indiqué un membre de l'opposition syrienne.

D'après un membre du CNS, Khaled Zein el-Adibine, la défection de M. Hijab a été coordonnée par l'opposition. «L'Armée syrienne libre (ASL, rebelles) les a tous aidés à passer la frontière».

Le CNS a exhorté dans un communiqué «les dignitaires du régime à faire défection» car «il n'y a plus d'excuses pour rester à bord du même bateau que ce régime criminel».

La défection de M. Hijab est la plus importante parmi les responsables du régime Assad depuis le début en mars 2011 de la révolte populaire qui s'est transformée en insurrection armée face à la répression sanglante menée par le pouvoir.

Des proches du régime, des diplomates et de nombreux généraux ont fait défection ces 16 derniers mois.

Un général de l'armée, accompagné de cinq officiers et d'une trentaine de soldats, est encore arrivé en Turquie pour rejoindre l'opposition, selon l'agence Anatolie, ce qui porte à 31 le nombre de généraux ayant fui en Turquie.

Dimanche, trois officiers des renseignements politiques à Damas, dont deux frères issus du clan du vice-président sunnite Farouk al-Chareh, ont trouvé refuge en Jordanie, selon Kassem Saad Eddine, porte-parole de l'ASL en Syrie.

Violences sans répit

Entretemps les violences ne connaissaient pas de répit à travers le pays faisant 91 morts -57 civils (21 dans la province d'Alep), 24 soldats et 10 rebelles- a rapporté l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) qui tire ses informations et bilans d'un réseau de militants et de témoins.

À Damas, un attentat à la bombe a visé le siège de la radio-télévision d'État à Damas qui n'a fait que des blessés légers et n'a pas perturbé la poursuite des programmes.

Pour autant, cette attaque a une forte portée symbolique puisqu'elle a visé le principal outil d'information du régime, de surcroît dans un quartier ultraprotégé de la capitale que l'armée avait affirmé contrôler totalement.

Mais selon l'OSDH, il y avait lundi des combats à Roukneddine dans le nord de Damas.

À Alep, poumon économique du pays, l'armée bombardait dans l'après-midi à l'artillerie lourde plusieurs quartiers, a précisé cette ONG basée en Grande-Bretagne. Des combats avaient aussi lieu dans les quartiers Chaar et Hanana.

Wassel Ayoub, un capitaine rebelle dans le quartier de Salaheddine (ouest),  a affirmé que des soldats et des francs-tireurs protégés par un char avaient réussi à s'emparer de sept ou huit bâtiments et contrôlaient deux artères.

Dans la province d'Idleb (nord-ouest), l'armée bombardait plusieurs secteurs, selon l'ONG.

Enfin, le CNS a accusé les forces du régime d'avoir «massacré» une quarantaine d'habitants dans la province de Hama (centre).

Compte tenu des restrictions imposées par les autorités, il est impossible de vérifier ces bilans de source indépendante.