La communauté internationale s'est dite très inquiète d'un nouveau «massacre» à Alep, deuxième ville de Syrie qui se préparait samedi à un assaut d'envergure des forces du régime de Bachar al-Assad.

Une semaine après l'ouverture d'un nouveau front dans la grande métropole du nord, les forces du régime qui se rassemblent depuis jeudi aux abords de la ville «sont quasiment au complet» en vue d'une contre-offensive vendredi ou samedi, a affirmé vendredi à l'AFP une source des services de sécurité.

«En accumulant les moyens militaires lourds autour d'Alep, Bachar s'apprête à commettre de nouvelles tueries contre son peuple», a dénoncé le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères Bernard Valero.

Les États-Unis, qui avaient déclaré jeudi redouter un massacre, se sont dits vendredi «très inquiets» de la situation, condamnant «l'agression haïssable et répréhensible des forces (du président Bachar al-) Assad contre ce centre de population civile».

Washington a néanmoins écarté de nouveau une intervention militaire et a réfuté toute comparaison avec le cas de Benghazi qui avait provoqué une intervention internationale en 2011 en Libye.

Londres a de son côté mis en garde contre «un désastre humanitaire» tandis que Rome appelle «tout le monde» à faire «monter la pression au maximum sur Assad pour éviter un nouveau massacre» à Alep.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, «vivement préoccupé», a exhorté «le gouvernement syrien à arrêter l'offensive».

Enfin, le chef druze libanais Walid Joumblatt a appelé sur la radio France-Info à «appuyer ce peuple (de Syrie, NDLR) avec armes et équipements pour qu'il puisse résister et abattre les hélicoptères et les Mig 23 que Bachar utilise contre les villes et la population».

Les violences en Syrie ont fait plus de 19.000 morts depuis le début du soulèvement en mars 2011.

Quartiers mitraillés

Alors que les troupes de Bachar al-Assad se sont massées autour d'Alep, les rebelles se sont installés dans de petites ruelles, «ce qui rendra difficile la bataille», a précisé la source de sécurité.

Selon des informations recueillies par un correspondant de l'AFP sur place, les rebelles n'ont lancé aucune opération importante depuis deux jours, économisant leurs quelques munitions de roquettes antichars de type RPG.

Plusieurs quartiers dont Salaheddine ont été mitraillés vendredi par les hélicoptères, alors que des centaines de rebelles se préparaient à l'offensive de l'armée, a rapporté l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

«Les civils ont quitté le quartier», a précisé à l'AFP un combattant à Salaheddine joint au téléphone.

Selon le correspondant de l'AFP, les habitants ont désormais de grandes difficultés à se ravitailler en pain.

La bataille d'Alep est «extrêmement importante pour les deux parties», a souligné Ignace Leverrier, ancien diplomate français ayant été en poste en Syrie.

«Pour le régime, c'est une ville commerciale dans laquelle il a beaucoup d'alliés, notamment parmi les hommes d'affaires sur lesquels il compte pour financer une partie de son effort de guerre», a-t-il dit.

«Pour les rebelles, la ville est la clé de la Syrie du Nord», a ajouté l'expert. «En la prenant, ils (...) pourront assurer enfin la zone protégée réclamée depuis des mois par la révolution syrienne pour pouvoir soigner ses blessés et donner refuge aux déserteurs et à leurs familles».

Les rebelles ont fait état de la capture d'une centaine de soldats et de miliciens pro-régime durant les combats à Alep, dans une vidéo diffusée vendredi sur internet.

Ailleurs dans le pays, 50 militaires, dont 14 officiers, ont été capturés par les insurgés après 12 heures d'affrontements à Maaret al-Noomane, dans la province d'Idleb (nord-ouest), selon l'OSDH.

«Guerre de libération»

À travers la Syrie, la répression et les combats ont fait 119 morts vendredi, selon un nouveau bilan de l'OSDH, qui avait fait état de la mort de 164 personnes jeudi. Les 119 morts se répartissent comme suit: 65 civils, 18 rebelles, 1 déserteur et 35 militaires du régime, selon l'Observatoire.

En dépit des violences, plusieurs manifestations se sont déroulées à Alep. Les manifestants scandaient notamment «Pourquoi avez-vous peur, Dieu est avec nous» selon des vidéos mises en ligne par des militants. Des manifestants ont défilé également dans la province d'Alep, à Deraa (sud) et Hama (centre).

Sur le plan politique, une députée d'Alep a fait défection, la quatrième d'un parlementaire depuis le début de la révolte en mars 2011. Ikhlas Badaoui est arrivée en Turquie avec ses six enfants: «Je suis partie parce qu'il ne me restait plus de force pour endurer l'oppression», a-t-elle déclaré à l'agence de presse turque Anatolie.

D'autre part, un enfant syrien de trois ans a été tué par des tirs des troupes du régime alors qu'il tentait de passer avec sa famille en Jordanie, selon Amman.

Jeroen Oerlemans, le photographe néerlandais enlevé le 19 juillet et libéré jeudi, a affirmé de son côté à la télévision néerlandaise avoir été retenu dans un camp «jihadiste» tenu par des combattants étrangers, où «il n'y avait aucun Syrien».

Enfin, de façon symbolique, un drapeau géant de la rébellion syrienne a été déployé au pied de la Tour Eiffel, haut lieu du tourisme à Paris, pour «attirer l'attention du monde sur la situation en Syrie».