Après les désertions, l'attentat. Après 16 mois de conflit et plus de 17 000 morts, l'exil de civils et les désertions de ses militaires, le régime du président syrien Bachar al-Assad semble vaciller.

Le pouvoir du président syrien Bachar al-Assad vit ses dernières heures, croient plusieurs experts, après l'attentat qui a coûté la vie hier à trois personnalités proches du régime.

«C'est un coup presque fatal», estime Sami Aoun, politologue et chercheur associé à la chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM.

Trois hauts responsables sont morts: le ministre de la Défense, le général Daoud Rajha, le vice-ministre de la Défense et beau-frère du président, Assef Chawkat (voir ci-dessous), et le responsable de la cellule de crise chargée de la rébellion, le général Hassan Turkmeni.

C'est la première fois depuis le début de la révolte, il y a 16 mois, que des ministres sont visés par des attentats, au coeur même de l'appareil d'État. Symbole de la répression, le bâtiment de la Sécurité nationale est situé dans un quartier ultrasécurisé de la capitale, à quelques centaines de mètres du palais présidentiel.

«Cela démontre que les opposants du régime ont des complices au sein du système», dit Houchang Hassan-Yari, professeur au Collège militaire royal du Canada et chercheur associé à la chaire Raoul-Dandurand.

Selon M. Hassan-Yari, le succès de cet attentat revendiqué par l'Armée de libération syrienne (ASL) a un effet psychologique pour le pouvoir syrien. Pour la première fois hier, des manifestations ont éclaté à Damas: du jamais vu depuis le début du soulèvement, en mars 2011.

Lancée lundi par l'ASL, la bataille de Damas a donné naissance à de violents affrontements près du centre-ville.

Selon Sami Aoun, le régime est également menacé de l'intérieur.

«Est-ce un coup d'État en préparation avorté par Bachar al-Assad? Il faut comprendre que les faucons du régime pourraient fomenter un coup contre Assad pour imposer une transition sur le pouvoir, dit-il. Mais c'est un scénario qui doit se confirmer ou s'infirmer. Ce qui est sûr, c'est qu'il y a une incursion dans la clique qui est censée protéger le pouvoir. Sur ce point, c'est un coup démoralisateur et déstabilisateur.»

Division internationale

Les membres du Conseil de sécurité des Nations unies sont restés divisés, hier, quant au vote d'un projet de résolution menaçant le régime syrien de sanctions.

Alliée traditionnelle du régime syrien, la Russie s'oppose à des sanctions économiques contre Damas et refuse de «soutenir une révolution».

«Des combats décisifs sont en cours en Syrie. Et l'adoption de la résolution serait un soutien direct à un mouvement révolutionnaire. S'il est question d'une révolution, l'ONU n'a aucun rapport avec ça», estime le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov.

À l'inverse, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France pressent le Conseil de sécurité d'adopter une résolution.

«Aux massacres inacceptables qui ont déjà eu lieu s'ajoute désormais un chaos presque complet. Cela rend d'autant plus urgent le vote aux Nations unies d'une résolution pour arrêter les violences et engager la transition politique», dit le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius.

L'Iran, fidèle au régime Assad, croit que l'attentat qui a frappé Damas prouve que le terrorisme se répand en Syrie.

La Ligue arabe tiendra dimanche une réunion sur la Syrie, au Qatar.

«Quoi qu'il arrive, le régime va tomber, estime Houchang Hassan-Yari. C'est une question de temps. On voit que les événements se précipitent, et pour les heures à venir, il faut voir quel sera le comportement des militaires. Vont-ils rester fidèles au régime ou non? Je crois que la solution n'est ni aux Nations unies à New York, ni en Chine, ni en Russie, mais en Syrie elle-même. Nous allons assister à plus de manifestations, puisque le régime a été secoué. C'est un début important pour les opposants.»





Assef Chawkat, figure de la répression

L'ancien chef des renseignements militaires et beau-frère du président Bachar al-Assad a incarné la face répressive du régime.

Rien pourtant ne laissait présager l'ascension d'Assef Chawkat, né dans une famille modeste d'un village alaouite en 1950, et devenu le «véritable chef de Damas», selon le journal Al Muslim.

Étudiant en histoire, il entre dans la faculté militaire et devient officier de l'armée de terre en 1979.

Après sa participation à la répression des Frères musulmans, en 1982, il entre dans les services de renseignement, tout en menant des opérations à l'étranger. Selon le journaliste Georges Malbrunot, Chawkat a acquis des contacts avec les services de renseignement étrangers et a longtemps incarné «la capacité de nuisance du régime syrien hors du territoire».

Il noue avec Bouchra al-Assad, de 10 ans sa cadette, une relation qui suscite les foudres de la famille présidentielle, notamment de Bassel al-Assad, héritier présumé du pouvoir. Après sa mort, en 1994, le couple peut se marier, et Assef Chawkat s'impose comme l'un des hommes forts de Damas.

En 2001, il devient chef adjoint des renseignements militaires, puis chef du renseignement en 2009. Il est à la retraite quand Bachar al-Assad le rappelle pour étouffer la révolte contre le régime syrien, en mars 2011. Quelques mois plus tard, il devient ministre adjoint de la Défense.





PHOTO ARCHIVES AFP

Le vice-ministre de la Défense, le général Assef Chawkat, beau-frère du président Assad, a également péri dans l'attentat-sucide.

Daoud RaJHA, ministre «paravent du régime»

Selon le quotidien français Le Figaro, Daoud Rajha, nommé à la tête du ministère de la Défense à l'automne 2011, n'était ministre qu'en apparence.

«Le ministre de la Défense, Daoud Rajha, tué dans l'attentat de Damas, n'était qu'un paravent du régime», écrit le journaliste Pierre Prier.

De confession chrétienne, Daoud Rahja apportait en outre une caution multiséculaire au régime.

«Il était le chrétien le plus proche du régime, il était la clé pour la sécurité du régime dans un contexte de guerre civile et de conflit armé», dit Houchang Hassan-Yari, professeur au Collège militaire royal du Canada et chercheur associé à la chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM.

Le détenteur du vrai pouvoir n'était nul autre que M. Chawkat, beau-frère du président.

Peu après l'attentat, Bachar al-Assad a nommé le chef d'état-major, Fahd al-Freij, à la tête du ministère de la Défense.

- Avec AFP, Courrier international et Le Fiagro

PHOTO ARCHIVES REUTERS

Daoud Rajha