La révolte contre le régime syrien a connu un tournant avec pour la première fois de violents combats lundi entre l'armée, appuyée par des blindés, et les rebelles à Damas, symbole du pouvoir du président Bachar al-Assad.

Alors qu'à l'ONU, la Russie bloquait toutes les initiatives pour condamner Damas, les rebelles syriens annonçaient lundi soir le lancement d'une opération «de grande envergure», baptisée «le volcan de Damas et les séismes de Syrie», consistant en attaques systématiques de tous les postes de contrôle de sécurité du pays, en coupures des grandes routes afin de paralyser l'armée du régime et en appels à la défection.

Il s'agit «de la première étape stratégique pour amener la Syrie dans un état de complète et totale désobéissance civile», indique le communiqué signé du commandement conjoint Homs-Armée syrienne libre (ASL).

A Londres, l'ancien ambassadeur syrien en Irak, Nawaf Farès, qui a fait défection le 11 juillet, a averti que le président Assad pourrait utiliser des armes chimiques contre les forces d'opposition afin de rester au pouvoir. La Syrie dispose d'un grand stock d'armes chimiques.

A Damas, les rebelles ont affirmé contrôler deux quartiers, Midane et Tadamoun, dans le sud et l'est de la capitale, mais l'AFP n'était pas en mesure de vérifier ces informations.

Les combats se sont étendus à Khaled ben el-Walid, une grande artère qui relie Midane au centre de la capitale ainsi que dans les quartiers périphériques de Aasali (sud), Barzé (nord-est), Qaboun et Jobar (est), Kafar Soussé (ouest), Qadam, Nahr Aïché (sud), hostiles au régime.

Alors que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a estimé que la Syrie était désormais en situation de guerre civile, des vidéos de militants ont montré de véritables batailles à Damas, avec des hommes en train de tirer des RPG derrière des sacs de sable.

Sept personnes, dont six civils, ont péri dans les violences dans les quartiers de Midane, Tadamoun et Aïché, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Selon les autorités irakiennes, deux Irakiens identifiés comme journalistes ont été tués samedi par balles et à coups de couteau dans une banlieue de Damas. Leurs dépouilles ont été rapatriées lundi en Irak.

La capitale était jusqu'à présent ultra-sécurisée et contrôlée principalement par la quatrième division du premier corps d'armée dirigée par Maher al-Assad, le frère du chef de l'État.

L'ASL, composée notamment de déserteurs, est faiblement équipée face à la puissance de feu de l'armée régulière, mais est plus mobile et bénéficie de l'aide d'une partie de la population.

«Le début de la fin»

«Midane est sous le contrôle de l'ASL. C'est le début de la fin», a affirmé un autre militant à Tadamoun qui se fait appeler Jacob Hussein. Selon lui, électricité, eau et communications sont coupés actuellement à Tadamoun.

L'OSDH avait rapporté plus tôt dans la journée que des blindés et des transports de troupes avaient pris position pour la première fois à Midane et qualifié les combats à Damas de «tournant».

«Quand des combats se poursuivent dans la capitale pendant des heures, voire des jours, et que les troupes régulières n'arrivent pas à contrôler la situation, cela illustre la faiblesse du régime», a commenté son président Rami Abdel Rahmane.

Par ailleurs, des échanges de tirs se sont produits lundi soir sur la frontière entre le Liban et la Syrie, endommageant plusieurs maisons, selon le maire d'une petite localité touchée par les tirs, Dababoyeh (nord du Liban).

Au total, 67 personnes -- 32 civils, 21 soldats et 14 rebelles -- ont péri à travers le pays.

«Assad ne partira pas»

Face aux violences qui ont fait plus de 17 000 morts, en majorité des civils, en 16 mois, le Maroc a déclaré l'ambassadeur de Syrie à Rabat «persona non grata» et l'a prié de «quitter le royaume». Damas n'a pas tardé à riposter en déclarant comme tel l'ambassadeur du Maroc, qui avait quitté le pays il y a plusieurs mois.

Pour sa part, l'Union européenne se prépare à adopter la semaine prochaine de nouvelles sanctions contre le régime, le 16e depuis le début de la répression du soulèvement en mars 2011.

A New York, les négociations à l'ONU sur le renouvellement du mandat des observateurs en Syrie étaient toujours dans l'impasse lundi, les Occidentaux insistant pour l'assortir d'une menace de sanctions, tandis que la Russie a averti qu'elle opposerait dans ce cas son veto au texte.

Moscou bloque depuis vendredi un projet de déclaration du Conseil de sécurité condamnant l'utilisation par les forces syriennes d'armes lourdes à Treimsa, où ont péri des dizaines de personnes le 12 juillet.

Mardi, le président russe Vladimir Poutine doit rencontrer l'émissaire international Kofi Annan dans une tentative de relancer son plan de paix, resté lettre morte.

Face à l'intransigeance de la Russie, l'ex-ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, a dénoncé une «attitude criminelle». L'actuel chef de la diplomatie, Laurent Fabius, a estimé pour sa part qu'en cas de départ de M. Assad, le nouveau régime dans le pays multiconfessionnel devra respecter toutes les communautés, y compris celle dont est issu M. Assad.

Enfin, le Centre de Coordination des affaires humanitaires de l'ONU a accusé Damas d'être responsable d'une «politique d'obstruction massive» qui empêche d'aider quelque 850 000 personnes dans le besoin en Syrie.