Les forces gouvernementales ont bombardé plusieurs villes de Syrie samedi, poussant l'opposition à réclamer à la communauté internationale des armes sophistiquées pour faire tomber le régime, même si la Russie s'est à nouveau opposée à tout recours à la force.

Face à un régime déterminé à écraser la révolte lancée il y a près de 15 mois, le Conseil national syrien (CNS), la principale coalition d'opposition, s'apprête à désigner un nouveau président, chargé de rendre efficace cette instance profondément divisée.

Au total, les violences ont tué 83 civils à travers le pays, essentiellement des civils, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), dont 29 dans la région de Homs (centre) et 23 dans celle de Deraa.

Après des massacres de civils ces dix derniers jours, «pour la première fois depuis le début de la crise, la question d'une intervention militaire se pose de manière aiguë et émotionnelle», a estimé le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, ajoutant immédiatement que la Russie, alliée de Damas, s'y opposerait.

Même si le plan de l'émissaire international Kofi Annan commence «à s'enliser», il n'y a «pas d'alternative», a-t-il estimé, appelant de ses voeux l'organisation rapide d'une conférence internationale sur la Syrie, avec la présence controversée de l'Iran.

Moscou, qui a pris ses distances avec Assad ces dernières semaines, verrait d'un bon oeil le président syrien quitter le pouvoir «si les Syriens eux-mêmes tombent d'accord sur ce point», a observé M. Lavrov.

Avant l'aube samedi, au moins 17 personnes, dont neuf femmes et trois enfants, ont été tuées dans des bombardements de l'armée à Deraa (sud), selon l'OSDH, qui y a vu une possible riposte aux «assauts lancés généralement le soir contre des barrages de l'armée».

Ce bombardement meurtrier a provoqué la colère de centaines de réfugiés qui ont manifesté à Ramtha, ville jordanienne proche de Deraa.

Quelque 2000 Arabes israéliens ont par ailleurs défilé en solidarité avec les opposants syriens, dans la localité arabe israélienne de Tamra, en Galilée.

Et dans la province côtière de Lattaquié (ouest), de nouveaux combats à Heffa ont tué ou blessé des dizaines de soldats de l'armée régulière, ont indiqué des militants locaux et le chef de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane. Selon l'OSDH, 14 civils ont également péri

Les forces du régime ont bombardé cette région qu'elles tentent de reprendre après y avoir perdu près d'une cinquantaine de membres, selon l'OSDH, qui fait état de la mort de 16 civils, 18 déserteurs et 46 soldats à Heffa en quatre jours.

Avec les violences à Heffa, «le littoral n'est plus une zone sûre et tout le pays est désormais impliqué dans la contestation», a souligné M. Abdel Rahmane.

Des armes

Au total, plus de 13 400 personnes, en grande majorité des civils, sont mortes en près de 15 mois de révolte, selon l'OSDH. Et selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), cinq journalistes syriens ont été tués fin mai par les troupes régulières.

La communauté internationale s'est indignée d'un nouveau massacre mercredi à Koubeir, un hameau de la province de Hama (centre), où 55 personnes, dont des femmes et des enfants, ont été tuées selon l'OSDH. L'opposition a accusé les milices progouvernementales, tandis que le régime a fait état de seulement 9 personnes tuées par des «groupes terroristes», terme utilisé par Damas pour désigner rebelles et opposants.

Parvenus sur place vendredi, les observateurs de l'ONU ont vu des traces de véhicules blindés et de tirs de roquettes, selon le porte-parole de l'ONU, Martin Nesirky: «Dans certaines maisons, du sang était visible sur les murs et le sol. (...) Dans l'air flottait une forte odeur de chair brûlée».

Il a souligné que les circonstances de l'attaque et le nombre de victimes restaient à déterminer.

Face à ces atrocités, la rébellion armée veut des moyens pour combattre le régime. «Ceux qui prétendent aider l'opposition syrienne devraient commencer par soutenir les gens à l'intérieur de la Syrie», a déclaré Hussein Sayyed, président du Conseil suprême du commandement de la révolution.

«Nous demandons seulement (à la communauté internationale) de nous fournir des armes plus sophistiquées, mais personne ne veut le faire», a regretté Louay Sakka, un porte-parole du Syrian Support Group.

À Istanbul, les instances dirigeantes du CNS, qui rassemble islamistes, libéraux, nationalistes, indépendants et militants sur le terrain, se réunissent samedi et dimanche pour choisir leur prochain chef après la démission de Burhan Ghalioun.

Un «consensus» devrait émerger pour désigner pour trois mois Abdel Basset Sayda, un Kurde indépendant peu connu qui devra surtout faire du CNS un interlocuteur crédible aux yeux de la communauté internationale.