Le chef de la diplomatie française Alain Juppé a menacé mercredi, en cas d'échec du plan de l'émissaire Kofi Annan, de faire pression pour l'adoption à l'ONU d'une résolution autorisant le recours à la force en Syrie, où 27 civils ont encore été tués par les forces du régime.

«Les choses ne se passent pas bien, le plan Annan est fortement compromis», a déclaré M. Juppé.

Néanmoins, «il y a encore une chance à laisser à cette médiation sous condition d'un déploiement rapide des 300 observateurs sous quinzaine et pas dans trois mois», a-t-il affirmé.

Le 5 mai, date du prochain rapport de Kofi Annan, représentera «un moment de vérité», a estimé le ministre. Si la mission de l'ONU «ne fonctionne pas, on ne peut pas continuer à se laisser défier par le régime», a-t-il ajouté.

«Il faudrait donc, à ce moment-là, passer à une autre étape que nous avons déjà commencé à évoquer avec nos partenaires, sous chapitre 7 de la charte des Nations unies», a-t-il précisé.

Son homologue américaine, Hillary Clinton, avait déjà évoqué jeudi dernier un éventuel recours à ce chapitre 7 qui prévoit un recours à la force en cas de menaces contre la paix.

Le ministre français a toutefois émis des doutes sur les chances d'aboutir à une telle résolution, alors que la Russie et la Chine ont opposé à deux reprises leur veto à une résolution imposant des sanctions au régime de Damas.

M. Juppé a par ailleurs jugé «inacceptable» que Damas refuse certains observateurs, après l'annonce par les États-Unis que le régime syrien ne voulait pas d'observateurs originaires des pays du groupe des Amis de la Syrie.

Le ministre français s'exprimait à l'issue d'un entretien avec plusieurs militantes syriennes qui ont affirmé que le plan Annan était «une initiative condamnée à l'échec».

Depuis son entrée officielle en vigueur le 12 avril, conformément au plan Annan, la trêve est en effet violée quotidiennement.

Mercredi, 27 civils et trois soldats ont été tués dans les violences, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Douze civils ont notamment été tués et des dizaines blessés dans le bombardement par les forces régulières du quartier de Masaa al-Tayaran à Hama, selon cette ONG.

«Le pilonnage a eu lieu à 18h15 (11h15 heure du Québec) et a détruit de nombreuses maisons» de ce quartier populaire, a déclaré via Skype le militant local Abou Ghazi, ajoutant: «de nombreuses victimes sont restées sous les gravats».

Un habitant, également joint via Skype, a évoqué une situation «dramatique», avec un bilan amené à augmenter.

Une vidéo publiée par des militants sur YouTube montre ce qui semble être des maisons réduites en gravats et des habitants cherchant à mains nues d'éventuels survivants.

Ce pilonnage est intervenu alors que deux observateurs de l'ONU chargés de surveiller le cessez-le-feu sont basés à Hama.

Au total, 15 observateurs se trouvent actuellement en Syrie, selon un responsable de l'équipe de l'ONU, Neeraj Singh. Le chef des opérations de maintien de la paix de l'ONU, Hervé Ladsous, a indiqué pour sa part que 100 des 300 observateurs prévus par la résolution 2043 du Conseil de sécurité de l'ONU seraient déployés dans le pays dans un mois, dont 30 d'ici la fin de la semaine.

Le général norvégien Robert Mood, qui avait négocié avec le régime syrien le déploiement des 30 premiers observateurs, sera nommé vendredi à la tête de la Mission de supervision de l'ONU en Syrie (MISNUS), d'après des diplomates.

Selon Salman Shaikh, directeur du Centre Brookings à Doha, «la communauté internationale continue de pousser en faveur de cette mission car c'est actuellement le plus petit dénominateur commun entre toutes les parties».

Mais, a-t-il déploré, «personne n'a le courage d'affirmer clairement qu'il n'y a pas de cessez-le-feu», ajoutant: «je ne vois pas comment on peut continuer à prétendre ou espérer que les observateurs de l'ONU apporteront la paix».

Le chef de l'ONU Ban Ki-moon devrait admettre qu'il ne faut «pas attendre de miracle» de leur mission, a-t-il souligné.

D'après des militants, les forces de sécurité ont délibérément pris ces derniers jours pour cibles des civils qui avaient approché des observateurs, harcelant, arrêtant et tuant même certains d'entre eux.

Sur le plan diplomatique, la Ligue arabe a convoqué jeudi une réunion extraordinaire des ministres des Affaires étrangères pour examiner notamment le dossier syrien.

Les violences en Syrie ont fait plus de 11 100 morts en plus de 13 mois d'une révolte populaire qui s'est peu à peu militarisée face à la répression, selon l'OSDH.