Des milliers de manifestants anti-régime ont interpellé vendredi les observateurs internationaux dépêchés en Syrie pour surveiller un cessez-le-feu qualifié de «très fragile» par l'émissaire international Kofi Annan.

Violée chaque jour depuis son entrée en vigueur le 12 avril, la trêve a de nouveau vacillé avec la mort de 14 civils tués par les forces gouvernementales selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) et de 18 membres des forces de l'ordre tués par des «terroristes» selon les médias officiels.

Les manifestants ont interpellé l'équipe restreinte d'observateurs déjà sur le terrain, dénonçant leur nombre -moins d'une dizaine- jugé trop faible.

«Où sont les observateurs?», «Où sont les résolutions contraignantes du Conseil de sécurité?», «Cinq observateurs pour surveiller Bachar?», interrogeaient des panneaux à travers le pays, selon des vidéos tournées par les militants.

Après avoir tergiversé, Damas a signé jeudi le protocole organisant le travail des observateurs, condition de la poursuite de leur mission entamée lundi.

Leur chef, le colonel marocain Ahmed Himmiche a toutefois affirmé à l'AFP qu'ils n'assisteraient pas aux manifestations afin d'éviter que leur «présence ne soit utilisée» pour favoriser «une escalade» de la violence.

Selon l'OSDH, ces violences ont tué 14 civils vendredi, dont plusieurs lors de tirs sur des manifestations, mais aussi cinq dans de nouveaux bombardements à Homs (centre) et trois dans des opérations militaires dans la ville voisine de Qousseir.

En outre, 12 soldats ont été tués dans plusieurs explosions dans la région de Deraa (sud), selon l'OSDH. Les médias officiels ont pour leur part annoncé un total de 18 morts parmi les forces de sécurité dans des attaques «terroristes» à travers le pays.

Même si ces nouvelles violences portent à environ 150 le nombre de morts depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu le 12 avril, Paris veut déposer rapidement un projet de résolution au Conseil de sécurité de l'ONU pour une mission d'observation «aussi robuste que possible».

Cette future force devrait avoir les moyens de faire «respecter la liberté de manifestation», selon le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé. Ce respect est prévu par le plan de M. Annan, que Damas s'est engagé à respecter, mais viole régulièrement selon les militants et l'opposition.

Face à la poursuite des violences, le porte-parole de Kofi Annan, Ahmed Fawzi, a qualifié le cessez-le-feu de «très fragile» et estimé que la situation sur le terrain n'était «pas bonne».

Moscou, grand allié de Damas, a une nouvelle fois estimé que la trêve était «dans l'ensemble» respectée, alors que les violences ont fait en 13 mois plus de 11 100 morts selon l'OSDH.

«Homs, nous sommes avec toi jusqu'à la mort», ont scandé des milliers de manifestants à Qamichli, dans le Nord-Est kurde, et des milliers d'autres ont défilé dans la quasi-totalité des régions du pays en proie depuis le 15 mars 2011 à une révolte qui s'est militarisée au fil des mois.

À travers la Syrie, les militants ont fait état d'un déploiement militaire massif, qui a en particulier bloqué de nombreuses mosquées, point de départ traditionnel des manifestations après la prière du vendredi.

Estimant le plan Annan «voué à l'échec» à cause du manque de coopération du régime, les rebelles de l'Armée syrienne libre (ASL) ont réclamé jeudi soir une intervention militaire internationale sans l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU, longtemps paralysé par les vetos russe et chinois.

Si les pays occidentaux continuent de rejeter tout recours à la force hors mandat de l'ONU, une quinzaine de chefs de diplomatie arabes et occidentaux ont évoqué jeudi à Paris une éventuelle implication de l'OTAN.

La secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a révélé que la Turquie envisageait d'invoquer la charte de l'OTAN, qui prévoit la solidarité entre ses États membres, après des bombardements sur sa frontière avec la Syrie.

M. Juppé a pour sa part évoqué sans les préciser «d'autres options» en cas d'échec du plan Annan, qui ouvrirait selon lui «le chemin vers la guerre civile».

Favori de la présidentielle en France, François Hollande a déclaré que s'il était élu et qu'une intervention militaire était décidée par l'ONU, la France «y participerait».

L'Organisation de la coopération islamique (OCI) a annoncé qu'elle contribuerait aux missions d'observation de l'ONU, après avoir déjà participé à une mission humanitaire aux côtés des Nations unies.