Plus de 120 civils ont péri durant la semaine qui a suivi l'instauration d'un cessez-le-feu violé quotidiennement en Syrie, mais le chef de l'ONU Ban Ki-moon, voyant «une chance de progrès», a recommandé l'envoi d'une équipe élargie de 300 observateurs dans le pays.

Après avoir tergiversé, Damas a signé jeudi le protocole organisant le travail, et en particulier la liberté de mouvement, des observateurs dépêchés par l'ONU pour surveiller la trêve, condition sine qua non de la poursuite de leur mission dans le cadre du plan de l'émissaire international Kofi Annan.

À Paris, une quinzaine de chefs de la diplomatie étaient réunis jeudi pour tenter de maintenir la pression sur Damas, dont la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton, qui a déjà menacé Bachar al-Assad de «nouvelles mesures» s'il «gâchait la dernière chance» que représente selon elle le plan Annan.

Estimant qu'il y avait «une chance de progrès» malgré une trêve «clairement incomplète», M. Ban a proposé «une mission de supervision (...) pour une période initiale de trois mois» et recommandé le vote d'une résolution pour envoyer 300 observateurs militaires répartis sur une dizaine de sites dans le pays.

Le Conseil de sécurité a commencé à examiner ses recommandations. «Nous soutenons le déploiement rapide d'une mission» mais Damas «doit prouver que son soutien au plan Annan est davantage que des paroles en l'air, il doit mettre fin à la violence», a déclaré l'ambassadeur allemand Peter Wittig.

Des diplomates prévoient qu'une résolution autorisant l'élargissement progressif de la mission pourrait être adoptée en début de semaine prochaine, tandis que la Chine a dit «étudier sérieusement l'opportunité d'envoyer ou non des observateurs en Syrie».

Pékin et Moscou, alliés de poids de Damas, ne participent pas à la réunion à Paris, Moscou ayant dénoncé une rencontre dont l'objectif n'était «pas du tout la recherche d'un terrain pour parvenir à un dialogue inter-syrien, mais à l'inverse l'approfondissement des contradictions entre l'opposition et Damas».

Le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé a dit «regretter» que Moscou s'enferme dans une vision qui le coupe «non seulement du monde arabe, mais finalement de la communauté internationale», tandis que le président Nicolas Sarkozy a assuré que l'isolement de la Russie et de la Chine ne durerait pas.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a estimé que la Russie faisait «honnêtement» sa part du travail pour le succès du plan Annan, et appelé de nouveau «les dirigeants syriens», «principaux responsables de la situation en Syrie», à «garantir les droits de l'homme, la sécurité de leurs citoyens et la souveraineté de l'État».

De son côté, le secrétaire américain à la Défense Leon Panetta a fait part de son «profond scepticisme», arguant de la «longue suite d'actions trompeuses» de Bachar al-Assad.

Une semaine exactement après l'instauration du cessez-le-feu, sept civils ont été abattus par les forces syriennes jeudi, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), qui décompte 123 civils tués ces sept derniers jours.

Selon l'OSDH, des combats opposaient soldats et rebelles dans plusieurs régions en dépit de la présence des observateurs de l'ONU et des tirs nourris ont fait un mort à l'issue de leur visite à Herak, dans la province de Deraa (sud).

Des vidéos mises en ligne par des militants ont montré le colonel Ahmed Himmiche, chef de la délégation, discutant avec des habitants. Un jeune homme lui explique que l'armée a tiré sur sa voiture, tuant son frère et le blessant au bras droit, alors que tous deux n'étaient pas armés. Une femme affirme être sans nouvelles depuis trois mois de ses deux fils arrêtés.

Selon M. Ban, cité dans un rapport de l'ONU, les observateurs n'ont pour le moment pas été autorisés à se rendre à Homs (centre), surnommée la «capitale de la révolution», les autorités avançant des «raisons de sécurité», alors que les militants font état de nouveaux bombardements jeudi sur la ville.

Depuis l'arrivée de ces premiers observateurs dimanche, les bilans -qui avaient nettement baissé dans les jours suivant l'entrée en vigueur de la trêve- se sont alourdis, avec plus de 80 morts ces trois derniers jours, selon l'OSDH.

Les Frères musulmans syriens ont dénoncé dans un communiqué l'attitude de M. Annan, «muet» face à la poursuite des tueries, estimant que ce «renoncement» n'augurait «rien de bon».

Les militants accusent le régime de violer quotidiennement la quasi-totalité des six points du plan de paix, poursuivant les violences, maintenant ses chars dans les villes et poursuivant les arrestations. De leur côté, les autorités accusent des «terroristes» de perpétrer chaque jour des attaques meurtrières.

Le plan Annan vise à mettre fin à la répression de la révolte entamée il y a 13 mois et qui s'est militarisée au fil du temps. Les violences ont fait plus de 11 100 morts, en grande majorité des civils tués par les troupes du régime, selon l'OSDH.