Petite minorité religieuse, les Druzes du Golan s'identifient à la Syrie. Dans ce territoire annexé par Israël en 1981, les soulèvements en Syrie divisent la petite communauté. Un grand nombre appuie Bashar al-Assad. Ceux qui s'y opposent se sentent exclus.

Au coeur de Majdal Shams, dans le Golan, une trentaine d'hommes sont réunis pour un rassemblement en faveur de Bashar al-Assad. Salman Ayyoub défend avec passion le président syrien. «Assad est très bon. Ce qu'il fait pour la Syrie est bien. Il ne tue personne», martèle le pharmacien.

«La Syrie est mon pays, je suis Syrien. Ma famille s'est battue dans des guerres pour défendre la Syrie», ajoute l'homme de 51 ans.

Comme la plupart des habitants de son village, ses cartes d'identité indiquent une «nationalité indéfinie». Mais le sentiment d'appartenance à la Syrie reste fort pour les 20 000 habitants des villages druzes du Golan, conquis par Israël en 1967 et annexé en 1981, dans un geste non reconnu internationalement. La majorité d'entre eux ont refusé la nationalité israélienne. Plus de 19 000 colons israéliens vivent également dans la région.

Techniquement, Majdal Shams est à environ une heure de voiture de Damas. Une clôture double au pied du village sépare le Golan d'une zone tampon de l'ONU. Outre des étudiants, invités à s'éduquer gratuitement dans la capitale syrienne, peu de gens sont autorisés à traverser de l'autre côté.

Depuis le début du soulèvement syrien il y a plus d'un an, la population est divisée. L'appui au président Bashar al-Assad reste fort - et même majoritaire, selon plusieurs -, malgré la condamnation par plusieurs pays, dont le Canada, pour les violences qui ont coûté la vie à plus de 9000 personnes depuis mars 2011.

«Nous soutenons Assad et notre peuple dans leur lutte contre les terroristes et la propagande des autres pays», dit Assem Willy, reprenant la ligne officielle du régime syrien sur les responsables des troubles.

L'opposition est difficile dans le village de 8000 habitants, flanqué sur les pentes du mont Hermon. «Ici, les gens ne peuvent pas différencier entre appuyer la Syrie et être loyal à Assad», déplore Shefaa Abou Jabal. Analyste pour une firme médiatique, elle est l'une des rares au village à dénoncer ouvertement le régime. Elle utilise les réseaux sociaux pour diffuser des images en provenance de Syrie.

L'an dernier, avec un groupe qu'elle estime à une centaine de personnes, elle a participé à des manifestations contre le régime syrien. «Mais nous avons été attaqués physiquement par des gens pro-Assad, dit la femme de 26 ans. Après, j'ai eu peur de sortir, des gens crachaient sur moi, disaient que nous étions des traîtres, voulaient nous exclure des événements religieux et sociaux. Il y a des gens qui ne me saluent plus.»

Elle dit recevoir des messages d'appuis en privé, mais peu osent prendre la parole publiquement. La plupart des villageois ont de la famille de l'autre côté et ont peur des conséquences possibles de leurs paroles. D'autres craignent l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement défavorable à la minorité druze, une secte de l'islam.

«Les soulèvements en Syrie nous affectent, comme Syriens sous occupation israélienne; nous sommes très divisés sans nous battre», confirme Salman Fakhrdeen, chercheur et relationniste pour l'ONG Al-Marsad, le Centre arabe des droits humains dans le Golan. De leur côté de la clôture, où les communications ne sont pas censurées, les habitants du Golan ont pourtant accès à une information plus diversifiée. «Mais les gens continuent de croire ce qu'ils veulent bien croire», souligne l'opposant de longue date au régime al-Assad.

Avant l'arrivée de l'internet, les villageois se rendaient sur la «colline des cris» et utilisaient un porte-voix pour parler aux membres de leur famille restés de l'autre côté. Les communications sont maintenant difficiles avec la Syrie et plusieurs habitants du Golan restent inquiets pour leurs proches.

«Mes grands-parents sont dans un village près de Damas, et j'ai peur pour eux, dit Mouna Abu Salah, une commerçante de 35 ans. Je n'ai pas encore reçu de mauvaises nouvelles. J'espère juste que la violence va arrêter. Avec ou sans Bashar, peu m'importe.»

LES DRUZES

Communément appelés «les Druzes», les habitants du Golan doivent leur nom à leur religion, une secte plutôt secrète issue de l'islam. Il y aurait plus d'un million de Druzes, répartis principalement entre la Syrie, Israël et le Liban. En Israël, ils forment une communauté distincte de celle des Arabes israéliens et, contrairement à eux, ne sont pas exemptés du service militaire obligatoire.

Photo: Reuters