La révolte en Syrie est entrée jeudi dans sa deuxième année avec une escalade des violences face à un régime déterminé à l'écraser et enhardi par l'impasse diplomatique du fait des divisions internationales.

Des rassemblements de soutien au président Bachar al-Assad ont réuni des dizaines de milliers de personnes à Damas, Alep (nord) et dans d'autres villes de Syrie.

De leur côté, les militants anti-régime ont appelé à plusieurs jours de manifestations en Syrie et dans le monde pour réclamer, encore une fois, le départ de M. Assad, seul chef d'État encore en place parmi ceux contestés dans le cadre du Printemps arabe.

Ces rassemblements n'ont pas mobilisé jeudi, notamment en raison du quadrillage des villes par l'armée.

Au cours d'un défilé de soutien aux autorités, placé sous le slogan «Pour les vies perdues dans le combat pour la Syrie», une manifestante a affirmé à la télévision d'État: «Après un an de pression sur la Syrie, on veut faire entendre notre voix: «Laissez la Syrie en paix»».

Le régime refuse de reconnaître la révolte et l'assimile à du «terrorisme», alors que les militants estiment que les violences ont tué plus de 8500 personnes, en majorité des civils, depuis le 15 mars 2011, date de l'éclatement de la révolte durement réprimée dans le sang.

«Il s'agit du plus tragique et du plus incertain des soulèvements arabes», a commenté dans un rapport Peter Harling, de International Crisis Group.

Sur le terrain, le régime intensifie ses offensives militaires contre les bastions rebelles, après la prise du quartier de Baba Amr à Homs (centre) le 1er mars puis celle de la ville d'Idlib (nord-ouest) mardi.

Jeudi, cinq civils ont été tués dans la province d'Idlib, et les corps de 23 personnes portant des marques de torture et d'exécution sommaire ont été retrouvés dans cette zone, a rapporté l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Human Rights Watch (HRW) a dénoncé une politique de la «terre brûlée». À Idlib, l'armée a tiré «sans distinction», avant de procéder «à des arrestations après avoir fouillé maison par maison, pillé des bâtiments et mis le feu à des habitations», selon HRW, citant des témoins et évoquant un bilan d'au moins 114 civils tués en quatre jours d'offensive.

Parallèlement, un millier de Syriens, dont un général de l'armée, sont arrivés ces dernières 24 heures en Turquie, portant à 14 700 le nombre de réfugiés dans le pays, selon Ankara, qui a affirmé que la Syrie posait des mines le long de la frontière pour empêcher ces réfugiés de passer.

Selon l'ONU, plus de 30 000 Syriens fuyant la répression se sont réfugiés dans les pays voisins et quelque 200 000 ont été déplacés à l'intérieur du pays.

Et les appels pour mettre fin à cette spirale des violences restent quotidiens. Jeudi, 200 organisations de défense des droits de l'homme ont exhorté l'ONU et la Russie, principal soutien du régime, à agir pour mettre fin à l'effusion de sang.

«Pendant un an, le nombre de morts en Syrie a atteint un bilan horrifiant de plus de 8000 morts, notamment des centaines d'enfants. N'est-il pas temps que le monde entreprenne à l'unisson des démarches efficaces pour arrêter cela?» a déclaré Ziad Abdel Tawab, de l'Institut du Caire pour les droits de l'homme.

Divisée, la communauté internationale se contente de condamner régulièrement les morts de civils, sans cacher sa réticence à l'idée d'une intervention militaire ou d'un envoi d'armes à la rébellion.

Le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, a estimé que livrer des armes à l'opposition risquait de provoquer une guerre civile. Mercredi, le premier ministre britannique David Cameron avait prévenu que le régime ferait face à une «guerre civile» en cas de poursuite de la répression.

En Turquie, un «Convoi de la Liberté» composé de quelques centaines de militants, pour la plupart syriens, est parti jeudi matin de Gaziantep (sud-est) pour apporter une aide humanitaire à la Syrie, même s'il est probable que la gendarmerie turque l'empêche d'approcher de la frontière.

Au fil des mois, les manifestations pacifiques ont été éclipsées par la militarisation de la révolte, des milliers de déserteurs, réunis au sein de l'Armée syrienne libre (ASL), choisissant de prendre les armes contre le régime.

«Assad a tué tellement de monde qu'il mérite un sort pire que celui de Kadhafi», mort juste après sa capture en octobre 2011 par les rebelles après huit mois de conflit armé, a déclaré à l'AFP le numéro 2 de l'ASL, Ammar al-Wawi.

Mais l'ASL est «seulement armée de kalachnikovs et de pistolets» face aux chars et à l'artillerie des 300 000 soldats de l'armée syrienne, a-t-il reconnu.

Outre cette infériorité militaire, l'opposition connaît aussi des divisions. Trois responsables du Conseil national syrien (CNS) ont claqué la porte en évoquant des «divergences» et l'«inefficacité» de cette principale coalition de l'opposition.