L'ONU a affirmé jeudi disposer d'une liste de hauts responsables soupçonnés de «crimes contre l'humanité» en Syrie, où la répression de la contestation ne faiblit pas malgré le nombre élevé de morts, une situation humanitaire grave et les appels à cesser la violence.

La Maison Blanche a affirmé que le président Bachar al-Assad menait une agression «odieuse et impardonnable» contre son peuple après une nouvelle journée de violences à travers le pays qui ont fait 86 morts, en majorité des civils, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Au lendemain de la mort de deux reporters occidentaux dans le bombardement de Homs (centre), deux journalistes étrangers blessés dans la même attaque ont lancé un appel à l'aide depuis la ville dévastée et assiégée, dans deux vidéos distinctes.

Parallèlement, les militants antirégime ont lancé un «dernier cri de détresse» depuis Homs, pilonnée par l'armée depuis 20 jours, pendant que la communauté internationale tentait de s'entendre sur les moyens d'y acheminer une aide humanitaire d'urgence.

La question doit être à l'ordre du jour d'une conférence internationale vendredi à Tunis.

Mais la tâche risque d'être ardue, Pékin et Moscou, alliés du régime Assad, continuant de rejeter toute ingérence en Syrie et refusant de participer à la réunion de Tunis, après avoir bloqué deux résolutions à l'ONU condamnant la répression.

Une commission d'enquête de l'ONU a établi une liste confidentielle de hauts responsables politiques et militaires syriens soupçonnés d'implication dans des «crimes contre l'humanité».

Selon elle, «la majorité des crimes» commis ont «nécessité des directives supérieures». Et plus de 500 enfants ont été tués depuis mars 2011, a-t-elle dénoncé.

La commission a aussi évoqué des «violations des droits de l'Homme» commises par des groupes de l'opposition, mais à bien moindre échelle que l'Etat.

Devant les restrictions draconiennes imposées aux journalistes étrangers en Syrie, plusieurs reporters ont choisi la voie clandestine, en particulier à Homs où le Français Rémi Ochlik et l'Américaine Marie Colvin ont péri mercredi dans le pilonnage d'une maison transformée en centre de presse.

La Française Edith Bouvier, reporter pour le quotidien Le Figaro et le photographe britannique Paul Conroy ont demandé à être évacués «au plus vite» de Homs. Mme Bouvier, qui souffre d'une double fracture à la jambe droite, a besoin d'être opérée rapidement.

Paris et Londres se démenaient pour faire évacuer les blessés et les dépouilles des deux journalistes tués.

Les autorités syriennes ont pour leur part mandaté le gouverneur de Homs pour tenter d'évacuer les reporters, tout en refusant d'«endosser la responsabilité de la mort de journalistes infiltrés en Syrie».

Dans une nouvelle tentative de résoudre le conflit en Syrie, l'ONU envisage de nommer un envoyé spécial, un poste pour lequel l'ex-secrétaire général des Nations unies, le Ghanéen Kofi Annan, est favori, selon des diplomates à l'ONU.

«L'agression qu'Assad perpètre contre les Syriens est odieuse et impardonnable. C'est la raison pour laquelle nous oeuvrons, avec plusieurs partenaires, à organiser une transition pacifique, qui est inévitable et a déjà commencé», a assuré le porte-parole du président Barack Obama.

Mais ces déclarations quoique dures ne risquent pas de faire fléchir le régime Assad.

Pour les militants, «plus les condamnations (internationales) se succèdent, plus le bombardement s'intensifie», les violences ayant fait plus de 7.600 morts, en grande majorité des civils, en plus de 11 mois de contestation selon l'OSDH.

Jeudi, les violences ont fait au moins 86 morts: 61 civils, dont 13 membres d'une même famille, ainsi que 20 soldats et 5 déserteurs tués dans des affrontements, selon l'OSDH.

De plus, le groupe de solidarité Avaaz a annoncé jeudi que sept militants syriens qui coopéraient avec lui ont été retrouvés morts «les mains ligotés derrière le dos» à Homs.

Vendredi sera une nouvelle journée à risque avec un appel des militants antirégime à manifester à travers le pays en solidarité avec le quartier de Baba Amr, le plus visé par les bombardements à Homs. Ces manifestations sont régulièrement réprimées par la force.

Et à Homs, où le pilonnage de l'armée a fait des centaines de morts depuis le 4 février, la situation des habitants s'aggrave encore: plus d'eau, d'électricité, de médicaments, de farine ou encore de lait, selon les militants.

Devant cette crise humanitaire, la Croix-Rouge internationale a appelé à des trêves quotidiennes pour permettre l'acheminement d'une aide, une proposition accueillie favorablement par le Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l'opposition.

Le CNS a indiqué qu'il demanderait aussi à la réunion de Tunis la création de «zones de protection» mais sa porte-parole, Basma Kodmani, a jugé qu'une intervention militaire «pourrait bien être la seule option».

Pour la secrétaire d'Etat Hillary Clinton, qui sera également à Tunis, le CNS est «crédible» et constitue «une alternative» au régime Assad.

Soulignant le risque accru d'une guerre civile, près de 150 ONG dont Human Rights Watch et la Fédération internationale des droits de l'Homme ont appelé la réunion de Tunis à «faire pression» pour mettre un terme aux violences.