Deux attentats à la voiture piégée ont secoué vendredi Alep, la deuxième ville de Syrie, au moment où les chars de l'armée pénétraient dans la région rebelle de Homs dévastée par une semaine de bombardements intensifs, des violences qui ont fait 72 morts dans tout le pays.

Selon les autorités, les attentats d'Alep (nord) ont fait 28 morts et 235 blessés.

Et selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), 44 autres personnes ont été tuées dans la journée: 28 civils sous les tirs des forces de sécurité, essentiellement à Homs (centre) et à Alep, ainsi que neuf soldats de l'armée régulière et sept déserteurs dans des affrontements à travers le pays.

Les attentats d'Alep sont survenus au moment où des protestataires se rassemblaient dans plusieurs villes syriennes pour dénoncer le veto russe il y a près d'une semaine à une résolution de l'ONU condamnant la répression qui a fait selon les militants plus de 6000 morts en près de 11 mois.

Des manifestations ont eu lieu à Hama (centre), Idleb (nord-ouest), Damas et même dans certains quartiers de Homs, a déclaré à l'AFP le chef de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane, basé au Royaume-Uni.

Mais les défilés ont un peu baissé d'intensité «en raison du déploiement en masse» des troupes et des forces de sécurité pour empêcher les manifestations, a-t-il souligné.

Occidentaux et Russes sont engagés dans un bras de fer sur la Syrie, les premiers dénonçant les «massacres» du régime et les seconds persistant à soutenir Damas.

A Alep, poumon économique du pays relativement épargnée par la contestation, deux attentats à la voiture piégée ont visé le siège des renseignements militaires et le QG des forces de l'ordre.

La télévision officielle a montré le cratère et les dégâts provoqués par l'explosion ainsi que des secouristes récupérant des restes humains sous les décombres. «C'est ça la liberté qu'ils revendiquent», criait l'un d'eux en brandissant un bras en lambeaux, en référence aux opposants.

Le pouvoir syrien a imputé ces deux attentats, les premiers du genre à frapper Alep, à des «gangs terroristes» qu'il accuse d'être derrière les violences depuis le début mi-mars 2011 de la révolte populaire contre le régime du président Bachar al-Assad.

Dans un courrier adressé à l'ONU et à la Ligue arabe, le ministère syrien des Affaires étrangères a également accusé «des pays arabes et occidentaux», sans les nommer, d'avoir soutenu les auteurs du double attentat.

Mais l'opposition a pointé le régime du doigt: «Le régime criminel tue nos enfants à Homs et mène des attaques à Alep pour détourner l'attention de ce qu'il fait à Homs», a insisté le colonel Maher Nouaïmi, porte-parole de l'Armée syrienne libre (ASL), qui rassemble des milliers de soldats déserteurs).

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a «condamné fermement» vendredi les attentats à la voiture piégée qui ont visé les forces de sécurité syriennes à Alep et «réaffirmé que toute violence est inacceptable et doit cesser immédiatement d'où qu'elle vienne».

En décembre et en janvier, des attentats suicide avaient touché Damas, faisant quelque 70 morts. Là aussi, le régime et l'opposition s'étaient mutuellement accusés.

A Homs, surnommée la «capitale de la révolution», des chars ont pris d'assaut le quartier Inchaat, que les soldats ratissaient maison par maison. Le bilan de vendredi s'élève encore à 11 tués, ainsi que cinq blessés des jours précédents ayant succombé, selon l'OSDH.

Selon les militants, plus de 450 personnes ont péri à Homs depuis le début de l'offensive le 4 février.

L'ambassadeur américain en Syrie et le département d'Etat ont de leurs côtés publié sur internet des photos prises par satellite qu'ils présentent comme autant de preuves que l'armée syrienne conduit des opérations «d'envergure» contre les civils, notamment dans la ville de Homs.

S'exprimant sur Radio Vatican, le nonce (ambassadeur du Saint-Siège) en Syrie, Mgr Mario Zenari, a pour sa part estimé que les chrétiens, qui représentent 7,5% des 20 millions de Syriens, pourraient jouer un rôle de «pont» entre les protagonistes du conflit, car ils ont jusqu'à présent été «respectés».

Selon des sources diplomatiques, les pays de la Ligue arabe qui se retrouvent dimanche au Caire pourraient prendre des décisions importantes sur la Syrie, avec la création d'un groupe des «Amis de la Syrie» et la désignation d'un envoyé spécial dans le pays.

Des membres du Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l'opposition, ont aussi assuré que certains pays du Golfe étaient prêts à reconnaître le CNS comme autorité légitime en Syrie. La Libye est le seul pays à l'avoir fait pour l'instant.

L'UE de son côté va renforcer fin février ses sanctions contre Damas: embargo sur les exportations syriennes de phosphate, gel des avoirs de la banque centrale et interdiction du commerce des diamants et métaux précieux, selon des diplomates.

A Doha, des centaines de personnes ont participé à un rassemblement en soutien à la révolte syrienne à l'appel de l'Union internationale des oulémas (UIO), qui a récolté des fonds pour l'opposition, appelant à une intervention militaire arabe en Syrie.

A Genève, le Haut commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme a estimé que le Conseil de sécurité devait saisir la Cour pénale internationale (CPI), rappelant qu'une commission d'enquête des Nations unies avait conclu que des crimes contre l'humanité ont eu lieu depuis mars 2011 en Syrie.