Damas a annoncé jeudi la création d'une commission d'enquête sur la mort de Gilles Jacquier, premier journaliste occidental tué en Syrie depuis dix mois, au moment où de plus en plus de mouvements et de personnalités se disent déçus par les observateurs arabes.

La communauté internationale, en premier lieu le président français Nicolas Sarkozy, avait réclamé l'ouverture d'une enquête sur ce décès, et appelé le régime à assurer la protection des journalistes sur son territoire.

Le gouverneur de Homs, Ghassane Abdel Al, a ordonné la création d'une commission d'enquête sur les circonstances de l'«attaque terroriste» qui a coûté la vie au journaliste français et à huit Syriens, selon l'agence officielle Sana.

La télévision officielle syrienne a accusé «un groupe terroriste» d'avoir «tiré des obus sur des journalistes étrangers», alors que l'opposition a accusé le régime de Bachar al-Assad, confronté depuis le 15 mars à une contestation populaire qu'il réprime dans le sang.

Le Conseil national syrien (CNS), qui regroupe la majorité de l'opposition, a mis en cause le régime et dénoncé «un signal dangereux quant au passage des autorités à des opérations de liquidation physique des journalistes pour tenter de faire taire les médias neutres et indépendants».

L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) a lui demandé l'ouverture d'une enquête, indiquant ignorer l'origine des tirs.

À l'appel de militants pro-démocratie, plusieurs manifestations ont eu lieu jeudi dans différentes villes du pays en hommage à Gilles Jacquier.

La porte-parole du département d'État américain a déploré pour sa part que «le régime ne fourni(sse) pas aux journalistes (...) un environnement favorable».

Par ailleurs, Human Rights Watch (HRW) a demandé à la Ligue arabe de «condamner d'urgence» les forces de sécurité qui tirent sur les «protestataires pacifiques qui cherchent à contacter les observateurs arabes» déployés depuis le 26 décembre.

Mais la mission de l'institution panarabe a connu de nouveaux revers, avec deux observateurs qui se sont retirés pour «raisons personnelles ou médicales», selon la Ligue, tandis que l'un d'eux, l'Algérien Anouar Malek, a affirmé avoir démissionné en signe de protestation.

Dans le même temps, à l'intérieur du pays, des opposants ont jugé cette mission «décevante», craignant que son échec, faute de moyens et de liberté de mouvement, ouvre la voie à des ingérences étrangères.

Les observateurs «ne sont pas bien équipés et ne possèdent même pas de magnétophones pour enregistrer les témoignages. D'autre part, ils n'ont pu couvrir plusieurs régions car le protocole ne leur garantit pas la liberté de mouvement», a estimé l'opposant Fayez Sara.

L'émissaire chinois pour le Moyen-Orient Wu Sike a également pressé les autorités syriennes de coopérer avec la mission, dénonçant des «difficultés» pour les observateurs.

Jeudi, quinze civils ont été tués par les forces de sécurité, sept à Deir Ezzor (est), six dans la province d'Idleb (nord-ouest) et deux à Homs (centre), selon l'OSDH.

À Damas, les forces de sécurité ont dispersé des manifestations étudiantes à coups de matraque électrique et arrêté plusieurs dizaines d'étudiants.

Aux frontières, la police turque a barré la route à un groupe d'environ 200 militants d'opposition syriens souhaitant se rendre en Syrie avec de l'aide humanitaire.

Un autre convoi, qui devait partir le même jour de Jordanie, a été annulé en raison du refus des autorités jordaniennes de le laisser passer, selon les militants.

Depuis la mi-mars, la répression a fait plus de 5000 morts, selon l'ONU. Mais le régime ne reconnaît pas l'ampleur de la contestation et accuse des «bandes terroristes armées» manipulées par des pays étrangers qui «complotent» contre la Syrie, selon M. Assad.

De son côté, le secrétaire du Conseil de sécurité russe Nikolaï Patrouchev a affirmé que «Washington et Ankara travaillent dès maintenant à divers plans de zones d'exclusion aérienne où pourraient se former et s'amasser des unités armées de la rébellion syrienne».

La création de telles zones en Syrie est une demande essentielle des militants pro-démocratie.

Ceux-ci ont appelé les Syriens sur Facebook à manifester vendredi pour «soutenir l'Armée syrienne libre» (ASL), qui regrouperait quelque 40 000 déserteurs et dont le chef Riad al-Assaad est basé en Turquie.