Deux jours après la décision de la Ligue arabe de suspendre la Syrie des rangs de l'organisation régionale, le roi Abdallah II de Jordanie a estimé lundi que le président Bachar el-Assad devrait démissionner. Il s'agit du premier dirigeant arabe à lancer un tel appel après huit mois de soulèvement populaire contre les autorités de Damas.

De son côté, l'Union européenne a décidé d'imposer de nouvelles sanctions à 18 Syriens pour protester contre la répression du mouvement de contestation qui a fait plus de 3500 morts depuis la mi-mars, selon les Nations unies.

«Si Bachar (el-Assad) avait à coeur l'intérêt de son pays, il démissionnerait mais il créerait aussi les conditions d'une ouverture et du lancement d'une nouvelle phase de la vie politique syrienne», a déclaré le souverain jordanien dans un entretien exclusif diffusé sur le site Web de la BBC. Il a estimé que le président syrien devrait ouvrir un dialogue politique et s'assurer que son successeur «ait la capacité de changer le statu quo» en Syrie.

La Syrie n'a pas réagi dans l'immédiat aux propos d'Abdallah II mais elle avait un peu plus tôt accusé les États arabes de conspiration tout en les invitant à envoyer des observateurs pour superviser l'application du plan arabe de sortie de crise - que Damas a accepté début novembre sans se plier à la moindre de ses dispositions.

Le chef de la diplomatie syrienne Walid al-Moallem a affirmé que le vote quasi unanime de samedi au siège de la Ligue arabe, au Caire, était «honteux et calomnieux». «Nous voulions que le rôle de la Ligue arabe soit un rôle de soutien mais si les Arabes voulaient être des conspirateurs, c'est leur affaire», a-t-il lancé lors d'une conférence de presse.

Il a joué sur les peurs d'une escalade de la crise diplomatique en faisant allusion au conflit libyen, déclarant que l'armée syrienne était bien plus forte que les forces de feu Mouammar Kadhafi.

Le vote de la Ligue arabe place Damas en confrontation directe avec d'autres pays arabes, dont le Qatar et l'Arabie Saoudite, qui étaient partisans de la suspension. Il représente aussi un soutien majeur pour l'opposition syrienne et exerce une pression accrue sur le Conseil de sécurité de l'ONU pour qu'il impose des sanctions, malgré l'opposition de la Russie et de la Chine détentrices d'un droit de veto.

Sur les 22 États membres de la Ligue, seuls la Syrie, le Liban et le Yémen ont voté contre la suspension de Damas, tandis que l'Irak s'est abstenu.

Le ministère marocain des Affaires étrangères a annoncé la tenue d'une réunion extraordinaire des chefs de la diplomatie de la Ligue arabe mercredi à Rabat au sujet de la suspension de la Syrie de l'organisation.

La Syrie a demandé à la Ligue arabe de convoquer un sommet arabe extraordinaire pour s'entretenir de l'agitation politique dans le pays. Ses détracteurs y voient une nouvelle manoeuvre de Damas pour tenter de gagner du temps, à l'heure où la pression internationale s'accentue sur le régime. D'après un responsable de la Ligue arabe au Caire, cette demande devrait faire l'objet de discussions lors de la réunion ministérielle de mercredi à Rabat.

La suspension de la Syrie de la Ligue arabe doit prendre effet ce jour-là. L'organisation tente de pousser Damas à respecter son plan censé mettre fin à la répression sanglante des manifestations contre le régime, le ministre égyptien des Affaires étrangères Mohamed Kamel Amr ayant affirmé dimanche qu'il s'agissait d'éviter une intervention internationale en Syrie.

Damas a invité les dirigeants de la Ligue arabe à se rendre en Syrie avant l'application de la suspension, ajoutant qu'ils pourraient venir accompagnés d'observateurs civils ou militaires pour superviser l'application du plan. Il a dans le même temps exprimé son indignation en annonçant sa décision de boycotter les prochains Jeux arabes à Doha (Qatar), en décembre.