Le président syrien Bachar al-Assad a rejeté avec mépris l'appel occidental à démissionner, au moment où le régime de Mouammar Kadhafi, un autre dirigeant arabe poussé au départ, s'effondrait à Tripoli.

Par ailleurs, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU doit se réunir lundi à Genève afin de tenter de mettre sur pied une commission d'enquête indépendante pour faire la lumière sur les exactions commises à l'encontre de la population civile en Syrie.

«En nous abstenant de réagir, nous leur disons que leurs propos sont sans valeur», a lancé M. Assad dimanche soir lors d'une interview télévisée, dans une allusion aux appels lancés par plusieurs capitales étrangères à sa démission.

Jeudi, le président américain Barack Obama, comme ses alliés occidentaux, a pour la première fois appelé explicitement Bachar al-Assad à partir après cinq mois d'une brutale répression de la contestation, qui a fait plus de 2000 morts, selon l'ONU.

«Il est temps qu'Assad s'en aille», a lancé de son côté lundi le vice-premier ministre britannique Nick Clegg, en estimant qu'«il est aussi hors sujet pour l'avenir de la Syrie que Kadhafi pour la Libye».

Lors de sa quatrième intervention depuis le début de cette contestation sans précédent, M. Assad a mis en garde contre une intervention étrangère: «Toute action militaire contre la Syrie aura des conséquences autrement plus graves de ce qu'ils peuvent imaginer».

Cette intervention a été diffusée dimanche soir alors que les rebelles libyens venaient d'entrer dans le centre de Tripoli, déstabilisant totalement le régime de Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis 42 ans.

Les journaux syriens faisaient état lundi de la chute de Tripoli. «L'opposition libyenne s'empare de Tripoli», affirmait le quotidien Al Baas, tandis qu'al Watan, proche du pouvoir, titrait «Tripoli dans les mains des révolutionnaires», sans faire de commentaire.

Les diplomates de l'ambassade de Libye à Damas ont d'ailleurs annoncé lundi dans un communiqué leur ralliement au Conseil national de transition (CNT), organe politique de la rébellion libyenne, estimant que «l'histoire ne pardonnera pas à celui qui ne participera pas à ce grand événement unique».

Pour l'opposant syrien et ancien prisonnier Faez Sarra, «ce qui s'est passé à Tripoli a un impact positif ici, mais il faut voir les deux rues de manière différente car chacune a son propre tracé».

L'opposition syrienne est hostile à une intervention militaire étrangère, comme en Libye, et entend parvenir, seule, à faire chuter le régime.

Pendant ce temps, la répression contre les protestataires se poursuivait. Dans la nuit de dimanche à lundi, deux personnes ont été tuées et quatre blessées par des chabiha, les miliciens pro-régime, à Misyaf, à l'ouest de Hama (centre), a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH)

Et trois personnes ont été tuées lundi et plusieurs autres blessées par des tirs de forces pro-régime lors d'une manifestation à Homs (centre) organisée après l'annonce de la visite d'une délégation de l'ONU dans la ville, selon l'OSDH.

Une mission du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA), chargée de réfléchir aux moyens de répondre aux besoins humanitaires de la population et d'assurer le fonctionnement des services publics, est arrivée samedi en Syrie pour une visite de cinq jours.

Dimanche, selon des militants sur place, des manifestants avaient scandé devant la délégation à Douma, dans la banlieue de la capitale: «Redoublons nos efforts, nous fêterons l'Aïd sans Bachar».

A Genève, le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU se réunit par ailleurs lundi en session extraordinaire à la suite d'une demande déposée par 23 pays membres, dont les quatre pays arabes du Conseil, l'Arabie saoudite, la Jordanie, le Qatar et le Koweït.

Un projet de résolution demande «l'envoi urgent d'une commission d'enquête indépendante» sur place pour «mener des investigations sur les violations des droits de l'Homme en Syrie depuis le mois de mars» et «identifier les auteurs pour s'assurer qu'ils puissent être tenus responsables».

Le président Assad a répliqué qu'il existait déjà en Syrie «une commission d'enquête indépendante».

«Un nombre limité de personnes a déjà été jugé sur la base de preuves irréfutables. Le principe est que quiconque, qu'il soit militaire ou civil, ayant commis un crime contre un citoyen sera jugé sur la base de preuves. Nous n'innocenterons pas un coupable et nous ne condamnerons pas un innocent», a-t-il dit.

Le président de la Ligue syrienne des droits de l'Homme Abdel Karim Rihaoui a quant à lui été libéré lundi après dix jours de détention, a annoncé son avocat Me Khalil Matouk.

Enfin, le chef de l'État a publié lundi le décret d'application sur la formation d'une commission habilitée à légaliser les partis politiques, selon l'agence officielle Sana. Présidée par le ministre de l'Intérieur, elle est composée de deux avocats et d'un magistrat.