Le président syrien Bachar al-Assad a promulgué jeudi un décret autorisant le multipartisme tout en continuant sa répression sanglante, faisant encore 37 morts mercredi, des violences condamnées pour la première fois par le Conseil de sécurité de l'ONU.

«Le président Assad a promulgué jeudi un décret présidentiel sur la loi des partis», rendant la mesure applicable immédiatement, a rapporté l'agence officielle Sana.

Le texte fixe les conditions de création et de fonctionnement de nouveaux partis, qui ne devront pas reposer sur des bases religieuses ou tribales, ni être issus d'une organisation non syrienne. Ils ne devront comporter aucune formation militaire ou paramilitaire, et leurs principes, objectifs et financement devront être clairement établis, a précisé Sana.

Dans l'immédiat, ces éventuels nouveaux partis devront cependant évoluer dans l'ombre du parti Baas, qui détient les rênes du pouvoir depuis 1963 et auquel la Constitution garantit le statut de «dirigeant de l'État et de la société».

La fin de la toute-puissance du parti Baas était l'une des principales revendications du mouvement de contestation engagé mi-mars en Syrie, avec la libération des prisonniers politiques et la levée de l'état d'urgence, obtenue en avril.

L'avocat et opposant Anouar al-Bounni, président du Centre syrien d'Études et recherches légales, considère que les mesures annoncées ne sont qu'une opération «cosmétique destinée à l'opinion publique interne et externe».

Selon lui, «tant que la Constitution n'est pas amendée ou changée, les lois promulguées ne sont pas valables et sont toutes mort-nées». Il a estimé que «ce qu'offre le pouvoir ne répond aucunement aux revendications de la société».

Le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, a pour sa part estimé que le décret syrien autorisant le multipartisme était «presque une provocation» dans le contexte de la répression en cours.

La violence de la répression, que le régime manie en parallèle avec les mesures d'ouverture, a radicalisé les manifestants, qui réclament désormais pour beaucoup le départ du président Bachar al-Assad.

Déclaration de l'ONU

Mercredi soir, après des semaines de blocage, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté une déclaration - mais pas une résolution - qui «condamne les violations généralisées des droits de l'Homme et l'usage de la force contre les civils par les autorités syriennes».

Sur le terrain, la répression s'est poursuivie, sans pour autant empêcher de nouvelles manifestations, essentiellement à la sortie des mosquées après la prière du soir pendant tout le mois du ramadan.

«Près de 30 corps de personnes tuées à la suite d'un bombardement de l'armée mercredi ont été enterrés dans plusieurs petits jardins publics», a déclaré jeudi à l'AFP un habitant qui a pu fuir la ville de Hama (centre), où les communications étaient coupées. Il a fait état d'un «grand nombre de blessés» dans les hôpitaux.

Ce témoin a également fait état du «déploiement des chars dans la ville» et en particulier dans le centre où l'armée a lancé dimanche une vaste offensive qui a fait plus d'une centaine de morts.

Selon lui, «les forces armées ont fait usage hier d'obus à fragmentation» et des «franc-tireurs sont postés sur les toits des hôpitaux privés».

Situation humanitaire

Le témoin a aussi souligné que la situation humanitaire était «très difficile» dans la ville qui subit des coupures d'électricité et d'eau ainsi que des pénuries de produits alimentaires.

«D'après ce qu'on entend, c'est une véritable guerre», a dit un militant sous couvert de l'anonymat. Selon Rami Abdel Rahmane, président de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), basé en Grande-Bretagne, plus de 1000 familles ont quitté la ville. Il avait auparavant fait état de 500 familles ayant fui mercredi.

A Damas, Doa (province de Deraa, sud), Palmyre (centre) et Talbissé près de Homs (centre), au moins sept personnes, dont un enfant à Talbissé, ont été tuées et des dizaines d'autres blessées mercredi soir par des tirs des forces de sécurité pour disperser des manifestations nocturnes, a-t-il ajouté.

Comme souvent depuis le début de la révolte, l'agence Sana a accusé des «gangs terroristes armés» de semer le trouble.

L'agence a aussi signalé des saccages par des «groupes terroristes armés» à Deir Ezzor (est), où les habitants redoutaient une offensive d'envergure.

Selon M. Abdel Rahmane, «des médecins ont abandonné les hôpitaux privés, notamment l'hôpital Nour (...) craignant un assaut de l'armée» à Deir Ezzor. Il a ajouté que le gouverneur de la ville avait empêché 15 boulangeries du quartier de Joura de s'approvisionner en farine.