Des journalistes du réseau satellitaire du Qatar Al-Jazeera, jugés en Égypte pour des accusations de soutien aux Frères musulmans, se sont plaints d'avoir subi de mauvais traitements en détention lors de la deuxième audience mercredi de leur procès.

Ce procès est considéré comme un test pour les autorités installées par l'armée depuis qu'elle a destitué en juillet 2013 le seul président jamais élu démocratiquement, l'islamiste Mohamed Morsi, de nombreux militants disant craindre un retour d'un pouvoir autoritaire dans le pays.

La prochaine audience a été fixée au 24 mars par la cour criminelle du Caire.

Le journaliste australien Peter Greste, et ses confrères égypto-canadiens Mohamed Fadel Fahmy et égyptien Baher Mohamed, arrêtés en décembre, sont apparus dans le box grillagé au côté de trois autres accusés, tous vêtus de la traditionnelle tenue blanche des prisonniers.

Au total, 20 personnes présentées par le Parquet comme des journalistes d'Al-Jazeera sont jugées alors que la chaîne assure que seules neuf travaillent pour elle. Les 16 Égyptiens sont accusés d'appartenance à une «organisation terroriste» et les quatre étrangers de leur avoir fourni «argent, équipements et informations» pour «diffuser de fausses nouvelles» faisant croire à une «guerre civile dans le pays».

Depuis juillet, au moins 1400 personnes ont été tuées, la quasi-totalité des partisans de M. Morsi morts dans la répression menée par les forces de sécurité, selon Amnesty International.

Les autorités égyptiennes ont accusé le réseau Al-Jazeera d'avoir pris fait et cause pour les Frères musulmans, proclamé comme un mouvement «terroriste», et ont fermé définitivement son antenne égyptienne, Al-Jazeera Mubasher Misr.

Au-delà d'Al-Jazeera, ce sont les relations entre le Caire et Doha qui se sont tendues, Al-Jazeera étant la voix du Qatar. L'émirat gazier du Golfe reproche de son côté aux autorités égyptiennes leur violence à l'encontre des islamistes.

Depuis le box des accusés, Soheib Saïd, l'un des accusés égyptiens, s'est plaint «de tortures physiques et de pressions psychologiques» de la part des services de sûreté de l'État. «Nous avons demandé à la médecine légale de nous examiner et personne n'a réagi».

'Épaule cassée depuis 10 semaines' 

«Mon épaule est cassée depuis 10 semaines et je dors par terre» en cellule, a de son côté affirmé M. Fahmy à la cour. «Je vous demande de me libérer avec la garantie de l'ambassade canadienne que je ne quitterai pas le pays».

Son père, qui lui a rendu visite mardi, a affirmé à l'AFP qu'il avait «besoin d'une opération à l'épaule droite, mais les autorités pénitentiaires ne l'ont pas autorisée jusqu'ici».

Durant l'audience, un responsable des services de sécurité a indiqué que M. Fahmy travaillait pour Al-Jazeera Mubasher Misr et que «dans la mesure où il collabore avec une chaîne qui diffuse des fausses informations et coopère avec les Frères musulmans, c'est un membre» de la confrérie.

Mais M. Fahmy a insisté sur le fait que lui et les autres accusés travaillaient pour Al-Jazeera English, précisant qu'il avait même dit au réseau satellitaire que «rien de son travail devrait apparaître sur Al-Jazeera Mubasher Misr».

M. Greste a également démenti que les journalistes travaillent pour la chaîne égyptienne.

«Rien, dans nos équipements, nous met en cause», a-t-il dit par ailleurs, en référence au matériel de l'équipe présenté par le parquet comme pièce à conviction.

Pour un avocat de M. Fahmy, Ibrahim Abdel Wahab, «la seule accusation crédible est celle de possession de matériel de diffusion sans autorisation».

Al-Jazeera a dénoncé des accusations «infondées» et Mokhless El Salhy, un autre avocat de la défense, a indiqué à l'AFP qu'il allait «de nouveau demander leur libération sous caution».

Les autorités affirment que les journalistes travaillaient sans accréditation, ce qu'a démenti M. Fahmy.

Les trois autres journalistes étrangers sont jugés par contumace -les Britanniques Sue Turton et Dominic Kane et la Néerlandaise Rena Netjes.

En réaction à ce procès, Reporters sans Frontières a dénoncé «la poursuite de la violation des libertés fondamentales». En janvier, Human Rights Watch avait déploré «une tolérance quasi zéro», tandis qu'Amnesty International accusait l'Égypte de n'accepter «qu'une seule version des faits: celle autorisée par les autorités».