Les islamistes égyptiens étaient massés samedi pour une nouvelle démonstration de force face à l'armée qui a renversé le président Mohamed Morsi, issu de leurs rangs, dans un climat alourdi par la flambée de violences qui a fait 37 morts ces dernières 24 heures.

Les partisans des Frères musulmans se rassemblaient à nouveau par milliers, notamment aux abords d'une mosquée de Nasr City, un faubourg du nord-est du Caire, qu'ils occupent depuis une dizaine de jours. Ils ont organisé des funérailles pour quatre d'entre eux tués la veille dans une fusillade au Caire.

Dans ce contexte tendu, le président civil par intérim, le magistrat Adly Mansour, a eu des entretiens avec le général Abdel Fattah al-Sissi, chef de l'armée et nouvel homme fort du pays, qui l'a nommé mercredi.

M. Mansour a également rencontré diverses personnalités politiques ainsi que le groupe Tamarrod (rébellion), qui avait organisé les manifestations monstres contre M. Morsi le 30 juin, et qui appelle à de nouveaux rassemblements dimanche pour soutenir son éviction.

La puissante confrérie des Frères musulmans a quant à elle, demandé à ses partisans de se mobiliser «par millions» jusqu'au retour au pouvoir de M. Morsi, élu il y a un an lors de la première élection démocratique du pays, et pour dénoncer l'«État policier» instauré après le «coup d'État militaire».

Dans la nuit, son influent numéro 2, Khairat al-Chater, a été arrêté, tandis que M. Morsi est toujours détenu par l'armée et que le Guide suprême Mohamed Badie est sous le coup, avec huit autres chefs de la confrérie, d'une accusation d'«incitation au meurtre».

Scènes de guerre au Caire

Les islamistes insistent sur le caractère «pacifique» de leurs appels à mobiliser, et dénoncent des provocations. Mais des résidents de certains quartiers du Caire ont affirmé à l'AFP avoir vu leurs partisans armés de sabres, de bâtons et d'armes automatiques lors d'une nuit marquée par de graves violences.

Dans le quartier de Manial, sur une île au milieu du Nil, des habitants ont fait état de combats à l'arme automatique et à l'arme blanche, et de tireurs embusqués.

Dans divers endroits de la capitale, des barricades et des rues jonchées de pierres et de pneus calcinés témoignaient des violences des accrochages nocturnes, tandis que les forces anti-émeutes étaient présentes à plusieurs carrefours et sur des ponts, avec des hommes en armes.

Les accès à la place Tahrir étaient quant à eux contrôlés par des anti-Morsi armés de bâtons. Des groupes de manifestants y passent la nuit dans un village de tentes.

La veille, les affrontements entre pro et anti-Morsi, mais aussi entre pro-Morsi et soldats, ont fait 30 morts et plus d'un millier de blessés, essentiellement au Caire et à Alexandrie (nord), les deux plus grandes villes du pays.

Dans la péninsule instable du Sinaï (nord-est), cinq policiers et un soldat ont été tués dans des attaques menées par des militants islamistes. Samedi, un prêtre chrétien a été tué par des hommes armés non identifiés, selon des sources de sécurité.

Depuis leur début le 26 juin, les heurts ont fait plus de 80 morts dans un pays profondément divisé.

Campagne anti-frères musulmans

Après avoir évincé le président islamiste, l'armée et les nouvelles autorités ont lancé une campagne ciblant les Frères musulmans, arrivés au pouvoir avec l'élection de M. Morsi après avoir été interdits pendant des décennies sous le pouvoir de Hosni Moubarak, chassé par une révolte populaire en 2011.

Vendredi encore, M. Mansour a dissous la chambre haute dominée par les islamistes, qui assure l'intégralité du pouvoir législatif, et nommé un nouveau chef des renseignements.

Une «feuille de route» annoncée par l'armée doit aboutir à la formation d'un nouveau gouvernement, ainsi que des élections générales, mais aucune date n'a encore été avancée. La Constitution a quant à elle été suspendue.

Reflétant l'embarras international face à ce coup militaire qui a le soutien d'une importante partie de la population, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a mis en garde contre une politique de «représailles» et les États-Unis ont condamné les affrontements meurtriers.

Les opposants à M. Morsi lui reprochaient une volonté d'accaparer le pouvoir au profit des Frères musulmans et de vouloir instaurer un nouveau régime autoritaire, tandis que ses partisans évoquaient la nécessité de débarrasser le pays d'une bureaucratie hostile et corrompue héritée du règne Moubarak.

L'instabilité politique a poussé l'agence Fitch à abaisser vendredi d'un cran la note de long terme du pays à «B-», contre «B» auparavant.