Les pressions s'accentuaient lundi en Égypte pour exiger le départ de Mohamed Morsi, appelé à partir sous 24 heures par l'opposition et abandonné par quatre de ses ministres démissionnaires, au lendemain de manifestations monstres contre le président islamiste.

La foule avait déferlé dimanche au Caire et dans de nombreuses autres villes, conspuant le chef d'État aux cris de «Le peuple veut la chute du régime», reprenant ainsi le slogan déjà scandé début 2011 contre le pouvoir autoritaire de Hosni Moubarak.

Au moins seize personnes ont été tuées dans tout le pays en marge de manifestations, dont huit dans des affrontements entre pro et anti-Morsi au Caire, a indiqué lundi le ministère de la Santé dans un nouveau bilan.

Des affrontements similaires avaient déjà fait huit morts, dont un Américain, en milieu de semaine dernière.

L'armée et la police sont déployées dans le pays pour éviter des dérapages graves, notamment autour des établissements vitaux.

Alors que l'opposition a donné à M. Morsi jusqu'à mardi pour quitter le pouvoir, quatre de ses ministres ont remis leur démission lundi.

Parmi eux, le ministre du Tourisme Hicham Zaazou avait déjà voulu démissionner le mois dernier pour protester contre la nomination comme gouverneur de la région très touristique de Louxor d'Adel al-Khayyat, membre d'un parti islamiste lié à un groupe radical ayant revendiqué en 1997 une attaque qui avait coûté la vie à 58 touristes étrangers près de cette ville. Il était revenu sur sa décision après le départ du gouverneur controversé.

Au Caire, le siège du mouvement des Frères musulmans, dont M. Morsi est issu, a été en partie incendié dans la nuit dans le quartier du Moqattam, avant d'être occupé et pillé lundi matin.

Certains assaillants jetaient des objets par les fenêtres, tandis que d'autres emportaient des casques, des gilets pare-balles, des postes de télévision, des meubles et des documents, a constaté un journaliste de l'AFP.

«C'est un moment historique. Les Frères musulmans ont ruiné le pays, et les dévaliser est donc justifié», expliquait à l'AFP Mohammed, un manifestant.

Les cortèges de dimanche --d'une ampleur sans précédent-- ont lancé «La révolution du 30 juin», par ailleurs jour du premier anniversaire de l'investiture de M. Mosi, affirmait lundi le quotidien indépendant Al-Masry al-Youm.

À quelques kilomètres de la place Tahrir, où des manifestants sont restés pendant toute la nuit, les partisans du premier président élu démocratiquement de l'histoire du pays campaient également dans le faubourg de Nasr City, dans l'est de la capitale, pour soutenir la «légitimité» de M. Morsi.

L'armée, qui a parlé de «millions» de manifestants hostiles à M. Morsi à travers le pays, a estimé le chiffre des pro-Morsi à 25 000.

Après avoir récolté 22 millions de signatures pour une pétition réclamant le départ du président, le mouvement Tamarrod (rébellion en arabe) a posé un ultimatum à M. Morsi.

«Nous donnons à Mohamed Morsi jusqu'à mardi 2 juillet à 17H00 (15H00 GMT) pour quitter le pouvoir et permettre aux institutions étatiques de préparer une élection présidentielle anticipée», a affirmé Tamarrod sur son site internet. En cas de refus, «mardi 17H00 sera le début d'une campagne de désobéissance civile totale».

Avec le soutien de nombreuses personnalités et de mouvements de l'opposition laïque, libérale ou de gauche, l'appel de Tamarrod a mobilisé massivement.

Le mouvement appelle désormais l'armée, la police et l'appareil judiciaire à «se positionner clairement du côté de la volonté populaire représentée par (ces) foules».

L'armée, qui avait pris pour un an et demi les rênes de l'exécutif entre le départ de M. Moubarak et l'élection de M. Morsi en juin 2012, a déclaré la semaine dernière qu'elle ne laisserait pas le pays «plonger dans un tunnel sombre de conflit et de troubles».

Les adversaires de M. Morsi dénoncent une dérive autoritaire de son pouvoir et une mainmise des Frères musulmans sur le pays.

M. Morsi a une nouvelle fois appelé dimanche soir au dialogue.

Une offre aussitôt rejetée par Tamarrod qui ne voit «pas d'autre alternative que la fin pacifique du pouvoir des Frères musulmans et de leur représentant, Mohamed Morsi».

L'instabilité persistante en Égypte, pays le plus peuplé du monde arabe avec plus de 80 millions d'habitants, pèse lourdement sur une économie handicapée par une inflation et un chômage en hausse ainsi qu'une chute de sa monnaie.