Le nouveau procès du président égyptien déchu Hosni Moubarak pour complicité dans le meurtre de manifestants et corruption s'ouvre samedi au Caire dans l'indifférence d'une grande partie des Égyptiens, plus préoccupés par la crise politique et économique.

Le premier procès, qui avait débuté en août 2011, avait captivé l'Égypte et le monde arabe. L'image de l'ancien chef d'État autrefois intouchable et Tout-Puissant, couché sur une civière dans le box des accusés, avait marqué les esprits.

C'était la première fois qu'un dirigeant arabe renversé par son peuple comparaissait en personne devant un tribunal. Le président tunisien déchu Zine El-Abidine Ben Ali a été jugé par contumace, et l'ex-dirigeant irakien Saddam Hussein a comparu devant un juge, mais après une invasion étrangère.

M. Moubarak, 85 ans, a été condamné en première instance à la réclusion à perpétuité pour sa responsabilité dans la mort d'une partie des près de 850 personnes tuées pendant la révolte de janvier-février 2011, qui a eu raison d'un règne de 30 ans.

L'ancien chef d'État a fait appel, tout comme le parquet. Des ONG et défenseurs des droits de l'Homme ont dénoncé un processus entaché d'irrégularités n'ayant pas réussi à identifier les responsables.

La Cour de cassation a annoncé en janvier qu'elle annulait «tous les verdicts prononcés par le tribunal criminel du Caire en juin 2012», ordonnant un nouveau procès pour M. Moubarak et ses co-accusés.

L'ancien ministre de l'Intérieur de M. Moubarak, Habib el-Adli, avait aussi été condamné à la prison à vie.

Les fils Moubarak également rejugés

En revanche, six anciens responsables de la sécurité avaient été acquittés, provoquant la fureur de nombreux Égyptiens pour qui ce verdict équivalait à absoudre une police honnie et accusée de violations systématiques des droits de l'Homme.

MM. Moubarak et el-Adli ainsi que les six responsables vont être rejugés pour complicité dans le meurtre et tentative de meurtre de centaines de manifestants pacifiques qui protestaient contre le régime entre le 25 et le 31 janvier 2011.

Les fils de l'ancien président, Alaa et Gamal, autrefois symboles de richesse et de pouvoir, vont quant à eux comparaître pour corruption, tout comme leur père. L'homme d'affaires Hussein Salem est lui jugé par contumace, ayant fui vers l'Espagne.

La santé de M. Moubarak a fait l'objet de nombreuses spéculations, et il a même été donné pour «cliniquement mort» par l'agence officielle Mena. Il se trouve aujourd'hui dans un hôpital militaire en banlieue du Caire.

Le procès se tiendra sous haute sécurité dans une académie de police qui un jour porta le nom de M. Moubarak.

Un groupe de partisans de l'ancien président a affirmé sur les réseaux sociaux qu'ils seraient là pour le soutenir. Vendredi déjà, quelques dizaines de personnes portant des portraits de M. Moubarak se sont rassemblées devant son hôpital, selon un journaliste de l'AFP sur place.

Mais le sort de l'ancien homme fort du pays est largement éclipsé par l'instabilité.

L'Égypte, dirigée pour la première fois par un islamiste issu des Frères musulmans, la bête noire de M. Moubarak, vit une profonde crise politique et économique. Elle est aussi le théâtre d'affrontements meurtriers entre manifestants et policiers et de violences confessionnelles.

Mais si beaucoup se disent indifférents au sort de M. Moubarak, le fait que personne n'ait encore rendu de comptes pour la mort de près de 850 personnes en 18 jours de soulèvement continue à susciter la colère et la frustration.