Le secrétaire d'État américain John Kerry a demandé dimanche à l'Égypte de redoubler ses efforts pour rétablir la stabilité politique et remédier à sa profonde crise économique, tout en apportant 250 millions de dollars d'aide au président Mohamed Morsi.

Le nouveau patron de la diplomatie américaine a bouclé sa première visite au Caire par plus de deux heures d'entretiens avec M. Morsi, dont la moitié en tête-en-tête.

Juste avant de quitter l'Égypte pour Ryad, où il est arrivé dans la soirée, M. Kerry a réclamé au Caire «davantage d'efforts et de compromis pour rétablir l'unité, la stabilité politique et la santé économique en Égypte».

Le ministre américain s'est félicité d'entretiens «francs et constructifs» avec le président islamiste élu en juin 2012 et a insisté sur «l'étape particulièrement cruciale des législatives» prévues fin avril pour «la transition démocratique de l'Égypte».

Surtout, pour épauler le pays le plus peuplé du monde arabe face à sa grave crise économique, M. Kerry a octroyé 250 millions de dollars d'assistance, dont 190 millions pour soutenir le budget égyptien et 60 millions pour un fonds américano-égyptien d'appui aux entreprises.

Ces 190 millions font partie d'une première tranche de 450 millions de dollars destinés à l'Égypte et pour lesquels le Congrès américain a donné son feu vert il y a une semaine, au terme de mois de négociations entre le gouvernement de Barack Obama et les parlementaires américains.

Au printemps 2011, après la révolution égyptienne, le président Obama avait promis un allègement de la dette de l'Égypte vis-à-vis des États-Unis, à hauteur d'un milliard de dollars, une somme ventilée en deux tranches de 450 et de 550 millions de dollars.

Cette première aide, a souligné M. Kerry, est accordée après «des assurances du président Morsi» quant à la mise en oeuvre de réformes pour l'obtention d'un prêt de 4,8 milliards de dollars auprès du Fonds monétaire international (FMI), retardé en raison des violences politiques en Égypte.

D'après le ministre des Finances El-Morsi El-Sayed Hegazy, Le Caire pourrait s'entendre avec le FMI avant les législatives, mais nombre d'analystes pensent qu'il faudra attendre le prochain Parlement en juillet.

Pour continuer d'aider, Washington attendra que les engagements de réformes soient suivis d'effets, tant sur le volet politique (démocratisation, droits de l'Homme, société civile) que sur l'économie, expliquent des diplomates américains.

«Les États-Unis peuvent et veulent faire plus», a martelé M. Kerry.

Samedi, il a jugé «essentiel» de remettre en marche l'économie égyptienne, qui a vu les investissements étrangers et le tourisme s'effondrer.

Deux ans après la chute du régime autoritaire et pro-occidental de Hosni Moubarak, renversé par une révolte populaire, l'Égypte reste le deuxième récipiendaire de l'aide extérieure américaine -derrière Israël- avec 1,5 milliard de dollars, surtout pour les forces armées.

Tout le week-end, M. Kerry a vu des hommes d'affaires, des représentants de la société civile et des opposants politiques et a lié le marasme économique à l'impasse politique. Il a exhorté régime et opposition à faire «des compromis significatifs».

M. Morsi, premier président civil d'Égypte, fait face à des crises à répétition, et le Front du salut national (FSN), principale coalition de l'opposition, a appelé à boycotter les législatives.

Pour tenter de les rassurer, M. Kerry a affirmé que son pays «ne s'ingér(ait) pas, ne pren(ait) pas position pour un gouvernement, une personne, un parti, une idéologie».

Allié pendant 30 ans au régime Moubarak, Washington marche sur des oeufs avec «la nouvelle Égypte», M. Obama semblant privilégier sa relation avec le président égyptien. Pour les Américains, le dilemme est de soutenir les aspirations démocratiques des Egyptiens sans fâcher l'un de ses principaux alliés régionaux, lié à Israël par un traité de paix.

Arrivé tard à Ryad, M. Kerry devait dîner avec ses homologues des monarchies du Conseil de coopération du Golfe, regroupant six pays et dont l'Arabie saoudite est le chef de file. «Nous (...) lui ferons part de nos inquiétudes concernant la relation avec l'Iran et les développements en Syrie», a indiqué le ministre bahreïni des Affaires étrangères, cheikh Khaled Al-Khalifa.