Un blogueur et militant égyptien a été placé dimanche en détention provisoire pour 15 jours par le Parquet militaire pour «incitation» à la violence lors d'une manifestation, a indiqué à l'AFP le directeur d'une organisation de défense des droits de l'Homme.

Alaa Abdelfattah est accusé de vandalisme et d'avoir incité à la violence le 9 octobre, lorsqu'une manifestation de Coptes (chrétiens d'Égypte) protestant contre l'incendie d'une église a dégénéré en confrontation avec l'armée et les forces de l'ordre, a indiqué Gamal Eid, du Réseau arabe pour l'information sur les droits de l'Homme (ANHRI).

Le jeune homme «a refusé d'être interrogé par le Parquet militaire parce que l'armée elle-même, dont dépend ce Parquet, est accusée d'être impliquée dans les évènements. Le Parquet a donc décidé de le placer en détention pour 15 jours», a précisé M. Eid.

«Il y a une campagne pour aller à la chasse aux militants», a-t-il accusé.

Alaa Abdelfattah avait déjà été emprisonné pour ses activités militantes en 2006 sous le régime du président Hosni Moubarak.

Un autre militant, Bahaa Taher, également accusé d'«incitation» à la violence, a été interrogé juste après Alaa Abdel Fattah par le Parquet militaire, selon M. Eid.

«Nous sommes accusés d'avoir incité à des attaques contre des soldats et d'y avoir participé», a indiqué Bahaa Taher qui a été laissé en liberté.

Il a précisé que lui-même et Alaa Abdelfattah s'étaient présentés dimanche devant le procureur «convaincus que le (Parquet) militaire n'avait aucun droit pour intervenir dans des questions judiciaires» et ont refusé de répondre à ses questions.

Selon lui, leurs avocats n'ont pas été autorisés à voir les preuves du Parquet militaire.

La soeur de Alaa Abdelfattah, Mona Seif, qui milite également contre la justice militaire, a affirmé que plusieurs personnes avaient porté plainte contre son frère.

Un autre blogueur a posté sur Youtube une interview d'Alaa Abdelfattah pendant une manifestation, dans laquelle il disait vouloir «couper la main des militaires» et menaçait de mener un assaut contre le ministère de l'Intérieur.

C'est cette vidéo qui a conduit le Parquet militaire à poursuivre M. Abdelfattah, selon ce blogueur.

Un haut responsable de la confrérie islamiste des Frères musulmans, Khairat al-Shater, a «condamné le procès des deux militants devant une cour militaire dimanche», et a appelé à l'«annulation immédiate des jugements militaires pour les civils» sur le site en langue anglaise du groupe.

Le journal indépendant Chorouk a annoncé pour sa part sa «solidarité» avec Alaa Abdelfattah et indiqué qu'il publierait dans la semaine à venir des articles de lui.

Vingt-cinq personnes, en grande majorité des manifestants chrétiens, ont été tuées lors des violences du 9 octobre, les pires depuis la chute du président Hosni Moubarak.

Plusieurs manifestants ont affirmé avoir été visés par des tirs de soldats et que plusieurs personnes étaient mortes écrasées par des véhicules blindés. L'armée a de son côté nié avoir ouvert le feu sur des civils et avoir fait un usage excessif de la force.

Les militaires sont très critiqués pour avoir jugé des milliers de civils devant des tribunaux militaires.