Président de l'une des nations les plus autoritaires et anti-occidentales du Moyen-Orient, Bachar el-Assad a oscillé entre les mesures de répression et le compromis, lundi, au moment où il était confronté à des milliers de manifestants qui défiaient les gaz lacrymogènes lancés à leur endroit par les forces de sécurité dans une ville du sud de la Syrie.

Les soulèvements en Syrie, un pays de 23 millions de citoyens et de grande importance sur le plan stratégique, pourraient avoir des répercussions qui dépasseront largement ses frontières compte tenu de son rôle d'allié principal de l'Iran et de son statut de rival à Israël.

Selon Hilal Khashan, professeur de Sciences politiques à l'Université américaine de Beyrouth, personne n'a intérêt à ce que le pays saigne et brûle, car une instabilité syrienne a le potentiel de déstabiliser l'ensemble de la région.

Daraa, une ville rurale du sud du pays affligée par la sécheresse et la pauvreté, est devenue le centre névralgique, depuis dix jours, des manifestations anti-gouvernementales, à l'intérieur d'un pays reconnu, historiquement, pour ses mesures répressives et brutales face à tout geste de dissension. Selon Human Rights Watch, au moins 61 personnes ont été tuées depuis le 18 mars.

Déclenchée par l'arrestation de plusieurs adolescents, qui avaient barbouillé des graffitis anti-gouvernementaux sur un mur à Daraa, les protestations se sont étendues à l'ensemble du pays vendredi. Rapidement, les forces de sécurité ont réagi en ouvrant le feu à au moins six endroits - incluant Damas, la capitale, et Lattaquieh, la principale ville porturaire du pays.

Âgé de 45 ans, Bachar el-Assad fait face à la plus importante menace en plus de quatre décennies de dynastie familiale, dans cette nation à prédominance sunnite mais dirigée par la minorité alaouite.

Le gouvernement a tenté d'apaiser les ferveurs en offrant des concessions. Ainsi, le président Assad doit s'adresser à la nation, dès mardi, pour annoncer la levée de l'état d'urgence, en force depuis près d'un demi-siècle, et éliminer d'autres sévères restrictions en matière de libertés civiles et politiques.

Mais pendant que la population attend l'éventuelle annonce, les forces de sécurité tentent d'écraser les soulèvements. Les forces de l'ordre syriennes ont de nouveau eu recours aux gaz lacrymogènes pour disperser plus de 4000 manifestants à Daraa, et tiré des coups de semonce pour disperser la foule, selon des témoins qui se sont confiés sous le sceau de la confidentialité par crainte de représailles.

La manifestation de lundi s'est déroulée près du palais de justice, à environ deux kilomètres de la vieille ville, où quelque 1200 personnes occupent toujours la mosquée d'al-Omari - l'épicentre des contestations à Daraa.

Ailleurs au pays, des groupes armés semblaient s'opposer dans la ville de Lattaquieh, ce qui laissait craindre une explosion de violence. Des résidants armés avaient érigé leurs propres points de contrôle pour se défendre, disaient-ils, contre des hommes eux aussi armés qui rôderaient dans les rues, selon des témoins.

On ne sait pas si ces maraudeurs armés sont à la solde du gouvernement.

Un habitant de la ville a révélé à l'Associated Press que des soldats sont déployés à travers la ville et autour des principaux édifices, comme le siège social du parti Baath et la Banque centrale. Mais dans les villages avoisinants et aux points d'accès de la ville, des groupes armés qui seraient formés de résidants ont érigé des barricades et contrôlent l'identité de tous ceux qui veulent entrer à Lattaquieh.

Un groupe syrien des droits de la personne dit avoir recensé 280 arrestations depuis le début des soulèvements - certains étant des manifestants et d'autres, des militants pour les droits de la personne.

Ces manifestations représentent une dramatique volte-face pour le président el-Assad, dont le père a légué le pouvoir après trois décennies de règne authoritaire. En janvier, il avait affirmé qu'il était à l'abri de ce genre de soulèvement parce qu'il est au fait des besoins du pays.