Les violences en Libye ont atteint la capitale Tripoli, où des bâtiments publics ont été incendiés dans la nuit de dimanche à lundi, Seïf Al-Islam, le fils du leader contesté Mouammar Khadafi, brandissant la menace d'un bain de sang dans le pays.

Le bilan des manifestations en Libye ne cesse de s'alourdir et a atteint 233 morts, a indiqué lundi matin Human Rights Watch, faisant état de 60 morts pour la seule journée de dimanche à Benghazi, deuxième ville du pays à 1 000 km à l'est de Tripoli et centre de la révolte depuis le 15 février.

Mais les manifestations contre le colonel Kadhafi, au pouvoir depuis bientôt 42 ans après avoir renversé en 1969 le roi Idriss, ont gagné dimanche la capitale Tripoli.

Selon des témoins contactés lundi par l'AFP, le siège d'une télévision et d'une radio publiques ont été saccagés dans la soirée par des manifestants et des postes de police et des locaux des comités révolutionnaires ont été incendiés.

Près du centre-ville, la «salle du peuple», où se déroulent souvent des manifestations et des réunions officielles, a également été incendiée et une colonne de fumée s'élevait lundi matin au-dessus de cet important bâtiment gouvernemental, où les pompiers étaient toujours à l'oeuvre.

Dans le quartier résidentiel de Hay Al-Andalous, le commissariat de police a été incendié dans la nuit. Et dans le quartier populaire de Gurgi, une voiture calcinée et des débris de pierres témoignaient d'affrontements récents.

«La Libye n'est pas comme la Tunisie ou l'Égypte (...). Il n'a ni société civile ni partis politiques», a lancé Seïf Al-Islam lors d'une allocution télévisée dans la nuit de dimanche à lundi en allusion aux révoltes qui ont provoqué la chute des présidents de ces deux pays.

Les «forces qui tentent de détruire la Libye et de la démembrer sont armées et le résultat sera une guerre civile. Personne ne se soumettra à l'autre et nous nous battrons», a-t-il prévenu. Si le pays se divise, «la Libye tombera dans une guerre civile (...), nous nous entretuerons dans les rues».

Depuis le début du mouvement de protestation en Libye, le colonel Kadhafi n'a fait aucune intervention publique.

Seïf Al-Islam, qui a conduit pendant un temps le courant réformateur, a affirmé que la Libye était la cible d'un complot étranger, et que des éléments libyens et étrangers tentaient de détruire l'unité du pays pour instaurer une république islamiste.

Il a reconnu que plusieurs villes du pays, dont Benghazi et Al-Baïda dans l'est, étaient la proie de violents combats et que les émeutiers s'étaient emparés d'armes militaires. Selon lui, des chars étaient aux mains de civils à Benghazi.

Le fils du colonel Khadafi a promis des réformes et annoncé que le Congrès général du peuple (Parlement) se réunirait bientôt pour décider d'un nouveau code pénal et de nouvelles lois donnant «des perspectives de liberté» pour la presse et la société civile, ainsi que du lancement d'un dialogue sur une Constitution.

Sur les marchés, l'instalibilité dans ce riche pays pétrolier et les craintes de propagation aux pays de la région gros producteurs de brut ont fait grimper les cours. A Londres, le baril est passé au-dessus de 105 dollars, pour la première fois depuis fin septembre 2008, avant de légèrement redescendre à la mi-journée.

La Libye, membre de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et 4ème producteur de pétrole en Afrique, exporte la majorité de son pétrole vers les pays d'Europe, en particulier l'Italie, l'Allemagne, l'Espagne et la France.

Face à la répression sanglante des manifestations, des diplomates libyens en poste à l'étranger ont commencé à faire défection. L'ambassadeur de Libye en Inde, Ali Al-Issawi, a annoncé lundi à la BBC qu'il avait démissionné pour protester contre la violente répression par le régime des manifestations.

Un diplomate libyen en poste en Chine, Hussein Sadiq al Mousrati, avait auparavant annoncé sa démission et appelé tous les membres du personnel diplomatique libyen à faire de même, selon Al-Jazira.

Dimanche, le représentant permanent de la Libye auprès de la Ligue arabe, Abdel Moneim al-Honi, avait annoncé sa démission pour rejoindre «la révolution» et protester contre la «violence contre les manifestants».

Les pays européens réfléchissaient à l'évacuation de leurs citoyens de Libye, mais restaient divisés entre partisans de la fermeté et de la prudence à l'égard de Mouammar Kadhafi.

Certaines entreprises comme le géant pétrolier britannique BP et la compagnie pétrolière norvégienne Statoil se préparaient à évacuer leurs personnels. Le groupe italien d'aéronautique et de défense Finmeccanica a déjà rapatrié sa dizaine de salariés.

Selon l'ambassadeur de Tunisie en Libye, Slah Eddinne Jemali, environ un millier de Tunisiens vivant en Libye souhaitaient être rapatriés.