L'attentat qui a fait au moins dix morts dans le quartier chrétien de Damas, dimanche, jour de l'entretien de l'émissaire international Lakhdar Brahimi avec le président Bachar al-Assad, a frappé une communauté représentant aujourd'hui 5% de la population syrienne.

À la veille de la visite du pape au Liban, en septembre, des chrétiens syriens avaient déclaré qu'en cas de chute du régime leur plus grande peur était une prise de contrôle de la Syrie par les islamistes. Au fur et à mesure de l'aggravation de la situation, certains ont rejoint l'opposition.

Les chrétiens représentent 5% de la population en Syrie et 10% de la population d'Alep, la métropole du nord théâtre d'une bataille acharnée depuis trois mois. Au Liban voisin, les chrétiens représentent 35% de la population.

Le 17 octobre, le bras droit du pape Benoît XVI, le cardinal italien Tarcisio Bertone, a annoncé l'envoi à Damas «la semaine prochaine» d'une délégation de personnalités de premier plan pour «exprimer la solidarité fraternelle» du synode «avec toute la population».

Le père jésuite Paolo Dall'Oglio, longtemps établi en Syrie pour promouvoir le dialogue islamo-chrétien et expulsé pour sa condamnation des exactions du régime, est très circonspect.

«À Damas, ils ne pourront voir que les officiels qui sont, bon gré mal gré, du côté du régime. Le message risque d'être utilisé par Assad. S'ils allaient aussi dans les camps de réfugiés en Jordanie et en Turquie, alors ce serait vraiment la solidarité avec tout le peuple syrien», a estimé le prêtre italien.

Pendant sa visite mi-septembre au Liban voisin, Benoît XVI, avocat d'un dialogue respectueux entre chrétiens et musulmans dans la région, avait demandé l'arrêt des livraisons d'armes, salué le «courage» des jeunes Syriens et appelé les pays arabes à «proposer des solutions viables». Mais il n'avait pas nommément condamné le régime.

George Sabra, chrétien et porte-parole du Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l'opposition syrienne en exil, a été reçu fin septembre par le pape. «Sa visite, a-t-il dit au site Vatican Insider, a été un soutien à la cause de la liberté».

Dans un entretien avec l'AFP en septembre, Mgr Béchara Raï, le patriarche maronite libanais avait estimé que les chrétiens de Syrie ne soutenaient pas le régime mais se souciaient surtout de la stabilité de leur pays. Il avait rappelé le précédent irakien et l'exode des chrétiens «parce qu'il n'y avait plus d'autorité».

Pour l'Eglise, l'enjeu des crises actuelles au Moyen et Proche-Orient est le sort des chrétiens et le risque d'émigration massive en raison de la poussée islamiste dans la foulée des révoltes arabes.

La menace islamiste a conduit depuis 2003, année de l'intervention américaine en Irak, 550 000 chrétiens à quitter ce seul pays. Ils seraient actuellement 13 à 15 millions dans toute la région (sans compter quelque 1,5 million d'immigrés chrétiens dans le Golfe), mais leur pourcentage a beaucoup baissé.